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Le marché de l’emploi pour les jeunes diplômés s’est effondré dans des proportions jamais atteintes
Le marché de l’emploi pour les jeunes diplômés s’est effondré dans des proportions jamais atteintes
©LOIC VENANCE / AFP

Drame à très long terme

Selon les chiffres d’Eurostat, le chômage des jeunes dans l’Union européenne est en février 2021 de 17,8%. La situation pour les jeunes est-elle pire que lors de la crise économique de 2008 ?

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Les chiffres d’Eurostat indiquent que les chômages des jeunes dans l’U-E est en février 2021 de 17,8 %. À quel point ce chiffre est-il en augmentation ? Est-ce une donnée importante à considérer ?

Alexandre Delaigue : Par rapport à ce chiffre nous pouvons dire deux choses. Il faut quelque peu s’en méfier car il est toujours plus élevé que le chômage « normal » et il pose un certain nombre de problèmes au niveau de l’interprétation. Il y a énormément de gens qui sont dans la classe d’âge jusqu’à 25 ans et qui ne sont tout simplement pas sur le marché du travail. Cette remarque est valable en tout temps.

Nous avons un problème dans la période actuelle car le chômage mesure ceux qui cherchent un emploi. Aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui sont au chômage, mais ne cherchent pas d’emploi car ils savent qu’ils n’en trouveront pas à cause de la crise dans laquelle nous sommes. Les chiffres peuvent donc être un peu trompeurs. Il faudrait des indicateurs adaptés à la période dans laquelle on vit.

Néanmoins, il y a un problème des jeunes et il est difficile à mesurer avec les statistiques. Tous ceux qui voudraient pouvoir financer leurs études avec des emplois de services n’arrivent pas à les trouver. D‘un autre côté, il y a aussi un problème pour certaines formations, certains étudiants ne connaissent pas la valeur exacte de leur diplôme à cette période. Les apprentissages se sont détériorés, les évaluations données ne sont pas les mêmes que d’habitude. Ils peuvent alors craindre à l’avenir des stigmates de la crise sur leur diplômes.

Ceux qui sont dans la phase de fin d’étude, qui doivent trouver un stage pour valider un master ou une formation professionnalisante ne trouvent rien du tout. Il y a toute une série de cohortes qui finissent leurs études qui pourront expérimenter des conséquences sur l’ensemble de leur carrière future et perspective.

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Certains tendent à dire que la situation actuelle est pire pour les jeunes que la crise de 2008, est-ce crédible ?

C’est trop tôt pour le dire maintenant, mais cela est probable. La crise de 2008 avait une dimension sectorielle. Elle a touché quelques secteurs d’activités de manière assez forte, mais elle n’a pas eu cet effet de focalisation sur les jeunes que l’on peut avoir maintenant. Aujourd’hui, les conséquences sont supportées par les jeunes générations et qui auront un impact sur leur avenir.

Commencer une vie active dans une année de récession n’est jamais bon car cela a des conséquences tout au long de la carrière future. Ici en plus nous avons toute une série d’effets qui sont spécifiques pour les jeunes. Il y a alors de bonnes raisons de penser que cela pourrait indubitablement être plus difficile pour les jeunes.

On peut aussi être optimiste. Si d’autres choses plus favorables se produisent par la suite, les jeunes en bénéficieront. Il est possible que l’on se retrouve dans une phase d’accélération technologique qui pourrait avoir comme effet la baisse des prix de l’immobilier si l’on peut s’installer un peu plus loin des centres. Avec les innovations, les choses finiront peut être par être meilleures que ce que l’on avait pu penser.

SI l’on prend le parallèle des années 90. Les années 80 étaient catastrophiques en terme de chômage, d’emploi et de conjoncture économique en France et puis la période 97 jusqu’à 2000-2001 a été très bonne.

Quelles conséquences l’accès limité des jeunes à l’emploi aura-t-il sur le long terme économiquement ?

Avec le décrochage de certains étudiants durant leurs études, on sait que cela va avoir un impact sur leur carrière toute leur vie. Soit ce sera rattrapé par la suite, soit on va se retrouver avec une série de générations qui ne vont pas avoir la possibilité d’avoir des emplois rémunérés. Ce sera un stigmate qui se perpétuerait sur plusieurs années comme une vague négative avec des personnes qui auraient moins de qualifications et de revenus.

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Il est encore trop tôt pour le voir dans les chiffres car ils captent mal une réalité différente que celle que l’on voit d’habitude.

Lors des crises économique, les jeunes sont-ils les plus touchés ?

Ce n’est pas forcément le cas. Cela dépend des crises et des types de secteur d’activité. Aux États-Unis si on prend la crise de 2008, elle a touché très fortement une population masculine, entre deux âges, qui travaillait dans des secteurs comme la construction. La récession a eu comme conséquence de réduire les inégalités hommes femmes car elle touchait l’emploi masculin dans certaines catégories.

La crise actuelle touche majoritairement des emplois de service et féminisés. D’autres indicateurs montrent que cette crise est particulièrement dure pour les femmes. Ce que l’on sait, c'est qu’il est très difficile d’entrer sur le marché du travail durant de mauvaise années. C’est dans ce sens là qu’il y a un effet défavorable sur les jeunes. Il faut relativiser cependant, cela va concerner quelques cohortes, mais pas une génération toute entière. Si vous êtes né entre 1995 et 2002-2003, vous êtes touchés.

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