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La véritable raison pour laquelle Emmanuel Macron a refusé la démission de Gerard Collomb
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

En coulisse

Petite victoire pour le Ministre de l'Intérieur et répit pour Emmanuel Macron ; ce lundi 1er octobre Gérard Collomb a présenté sa démission au Président de la République qui l'a refusée.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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C'est le Ministre d'Etat lui même qui l'a annoncé à nos confrères du Figaro pour montrer que "le Chef de l'Etat lui renouvelle sa confiance".  L'Elysée a confirmé l'information et précisé en même temps qu'Emmanuel Macron lui demande de "rester pleinement mobilisé sur sa mission pour la sécurité des Français". Détail qui a cependant son importance : il est demandé à Gérard Collomb de " rester pleinement mobilisé", autrement dit de s'occuper pleinement de son Ministère, ce à quoi ce dernier aurait naturellement acquiescé. Ainsi, revenu de sa stupeur voire de sa colère, Emmanuel Macron aurait passé l'éponge sur l'annonce pour le moins prématurée de Gérard Collomb qui a dit avoir l'intention de  quitter le gouvernement pour se consacrer à la campagne municipale de 2020 après les élections européennes de mai 2019. Tout irait donc toujours (- à nouveau ?), pour le mieux entre le locataire de l'Elysée et celui qui est considéré comme son mentor en politique. L'annonce du départ programmé de Gérard Collomb ne résulterait pas d'un éventuel désaccord politique entre les deux hommes et ne s'inscrirait pas dans le cadre d'un claquage de porte comparable à celui de Nicolas Hulot. Le ministre a juste prévenu ...par voie de presse.

Seulement voilà: la vérité ne correspond pas tout à la fable qu'on nous  relate. L'annonce du Ministre était bel et bien révélatrice d'un malaise. Car, en annonçant sa sortie du gouvernement dans neuf mois, Gérard Collomb a non seulement commis un acte de rupture avec le Chef de l'Etat,  il a  ouvert les vannes et laissé déferler les critiques sur sa gestion ministérielle. Le départ de son chef de Cabinet parti diriger l'équipe du nouveau Président de l'Assemblée Nationale, Richard Ferrand, a ajouté au trouble,

Pour le moment, en faisant savoir que la démission de Gérard Collomb avait été présentée mais refusée, l'Elysée et l'Intérieur y trouvent leur avantage les deux parties y trouvent leur compte : le " Chateau" montre qu'il reste le "Maitre  des Horloges" et gagne du temps pour choisir un successeur (activement recherché), à Gérard Collomb ; quant au Ministre de l'Intérieur, il voit, (temporairement du moins), une autorité mise à mal par l'annonce programmée de son départ restaurée. En fait, personne n'ignorait que l'ancien maire de Lyon aspire à retrouver son fauteuil de maire  ou celui de Président  de l'agglomération lyonnaise  façonnée à sa main, et qu'il quitterait probablement son Ministère pour faire campagne le moment venu, tout comme ses collègues candidats aux fonctions de premier magistrat de leur ville seront théoriquement appelés à le faire... La fréquence de ses allers-retours dans la capitale des Gaules avait d'ailleurs amené le Chef de l'Etat et le Premier Ministre à réfléchir à la nomination d'un Ministre chargé de la Sécurité pour l'épauler, dans une configuration comparable au tandem Pasqua-Pandraud des années 80. Le nom de Frédéric Péchenard, actuel vice-président LR de la région Ile de France,(qui passe pour entretenir  des relations plutôt fraiches avec Laurent Wauquiez ), et surtout  ancien  directeur général de la Police nationale sous Nicolas Sarkozy, a circulé avant l'été. Gérard Collomb ne pouvait l'ignorer. Si le Ministre de l'Intérieur a donné un coup d'accélérateur au processus en annonçant sa date de départ, c'est parce que les relations se sont tendues avec Emmanuel Macron, à qui son mentor reproche "un manque d'humilité", et à cause de l'affaire Benalla. Devant le Commission d'enquête parlementaire, Gérard Collomb a déclaré ne pas connaitre celui qui passait ses journées au siège de campagne; le ministre ne pouvait ignorer que Benalla réfléchissait à une réorganisation du dispositif de la sécurité présidentielle, ce que les policiers (dont il est le tuteur) vivaient très mal..

 L'homme a trop d'expérience politique pour imaginer que tout pourrait à nouveau fonctionner "comme avant" ...jusqu'aux Européennes, l'échéance qu'il s'est fixée. Un choix à la carte, comme au restaurant. En réalité il est en sursis et ce départ interviendra très vraisemblablement avant le mois de mai, mais il devra se faire en douceur, pas dans le contexte de crise des dernières semaines. Actuellement le président de la République est à la recherche de celui qui aurait le bon profil pour la fonction. Le Figaro avance que Matignon verrait bien Gérald Darmanin, le Ministre des Comptes publics migrer de Bercy à Beauvau. Son parcours politique, le caractère fonceur de celui qui a rallié à Emmanuel Macron après la présidentielle, font un  peu penser à la trajectoire de Nicolas Sarkozy dont il a dirigé la campagne pour les primaires de la Droite en 2016. S'il réussit le passage au prélèvement des impôts à la source, il deviendra un candidat sérieux à une promotion ministérielle, même si lui aussi se dit  candidat aux municipales, à la mairie de Tourcoing. Pour l'heure, aucun nom de personnalité issue de la "macronie historique" n'émerge, et le vivier des Marcheurs, qui fourmille de "startuppers", d'entrepreneurs, et de fonctionnaires, est plutôt vide. Car l'Intérieur n'est pas un Ministère banal: en tant que  Ministre de l'ordre public, le patron de la Place Beauvau doit avoir  de l'autorité pour être "reconnu" par le monde de la Sécurité; en tant que responsable des élections, il doit aussi avoir une bonne connaissance de la géographie électorale de la France et le prochain locataire de la Place Beauvau devra théoriquement diriger le redécoupage des circonscriptions électorales prévu dans le cadre de la réduction du nombre de parlementaires. Un travail d'orfèvre pour lequel l'Elysée montre beaucoup d'intérêt...Autrement dit, un bon Ministre de l'Intérieur doit avoir ce que l'on appelait de la bouteille dans le Vieux Monde. L'avis de recherche est lancé.

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