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Hollandisation d’Angela Merkel ? Au-delà de l’apparent coup de poing sur la table, les mesures anti-attentats prises par le gouvernement allemand sont-elles réellement susceptibles de changer la donne ?
©Reuters

Jeu des sept différences

A la suite de plusieurs attaques et attentats sur son sol, l'Allemagne s'est décidée à prendre des mesures pour lutter contre le terrorisme islamiste. Néanmoins, ces dernières relèvent davantage de la communication politique que de l'action véritablement efficace.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Jeudi 18 aout, le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière doit parapher les "déclarations de Berlin" relatives à la lutte contre le terrorisme. Quelles sont les mesures phares avancées par de Maizière ? Quelle efficacité dans la lutte contre le terrorisme peut-on effectivement leur prêter ?

François-Bernard Huyghe : Certaines des mesures qu'il va annoncer (à en croire les médias) sont "techniques" et orientées "surveillances / repérage / répression" : cybercentre, écoutes, vidéosurveillance, recrutement de policiers... 

D'autres projets risquent de faire débat dans un pays qui, jusqu'à présent, s'est efforcé de démontrer sa bonne conscience repentante et s'est tant vanté d'être "multiculti", tolérant, etc. Ces mesures touchent à l'interdiction de la burqa dans les lieux publics, aux expulsions d'étrangers "présentant un danger pour la sécurité publique", au financement des mosquées par des puissances étrangères et à la déchéance de nationalité...

En termes d'efficacité préventive contre les attentats, cette seconde série ne découragera pas beaucoup de candidats au djihad prêts à mourir et sachant se jouer des frontières dans un pays qui n'en a plus. En revanche, ces proclamations ont une signification politique forte : "fini le temps de la naïveté, nous allons lutter contre une idéologie perverse et ses manifestations". Ici, l'efficacité recherchée est d'ordre symbolique : désigner l'ennemi (le djihadisme qui ne se réduit pas à un problème d'intégration sociale ou de troubles psychologiques de détraqués). En quelque sorte : fin de l'angélisme, découverte du réalisme. Du déni du tragique au défi du réel (réapprendre à se défendre).

Dans quelle mesure les solutions avancées par l'Allemagne ressemblent-elles, ou non, à celles prônées par Paris ? Peut-on parler de concordance ? Pour autant, la menace pesant sur l'Allemagne est-elle de même nature que celle pesant sur la France ?

La liste qui précède évoque, évidemment, ce qui a été discuté, et parfois appliqué, en France. L'interdiction de la burqa dans les lieux publics est emblématique (alors que les médias allemands avaient tendance à considérer la laïcité à la française comme une forme d'intolérance à l'égard de la religion et un manque d'"ouverture à l'autre"). Que, dans un pays qui se vante tant d'être attaché à l'État de droit et au "patriotisme constitutionnel", l'on songe à expulser des étrangers dangereux ou à réduire le champ du secret médical (pour signaler les projets d'attentat dont un médecin pourrait avoir connaissance) est quelque chose qui aurait été inimaginable il y a quelques mois. Mais entretemps il y a eu la grande désillusion sur l'intégration des migrants (les viols de Cologne), la déchirante surprise d'être l'objet d'attentats sauvages, comme les Français (même s'ils ont eu bien moins de morts que nous et sont en quelque sorte en retard dans le développement de l'horreur) et, bien évidemment, une importante évolution de l'opinion publique qui se traduit dans les votes et les sondages. Merkel en fait les frais.

En appelant à la déchéance de nationalité pour les binationaux, les Allemands ne font-ils pas preuve d'une vraie contradiction avec leur volonté d'être un pays d'accueil ? Qu'est-ce que cela peut traduire de l'évolution des mentalités liées au terrorisme ?

L'Allemagne éprouve une crise de (bonne) conscience. Hier, elle se félicitait d'avoir une excellente image, d'être capable d'accueillir presque un million de migrants, qui allaient contribuer au développement économique comme au redressement de la natalité. Aujourd'hui, se pose la question de ce que signifie "être allemand". La déchéance de la double nationalité, là non plus, n'aura guère d'effet pratique (avec le temps qu'il faudra pour l'appliquer à des gens qui ne seront pas morts dans l'attentat, seront légalement condamnés et sortiront théoriquement de prison dans des années, cela ne fera pas grand-monde). En revanche, reconnaître que quelqu'un qui hait et combat son pays ne mérite pas le titre de concitoyen et donc que la nationalité n'est pas qu'une formalité juridique, c'est un message adressé aux Allemands : il y a quelque chose qui nous réunit, qu'ils haïssent et dont il faut être fier : notre démocratie. Mais le message risque de mal passer auprès des élites taraudées par le besoin d'être politiquement correctes et de ne pas "discriminer". Une mesure similaire a failli faire exploser le PS, imaginons l'effet idéologique sur la coalition allemande !

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