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Explosion des dépenses de personnel : ce dont les collectivités sont responsables et ce qu'elles subissent
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Un rapport de la Cour des comptes publié mardi 14 octobre se montre critique vis-à-vis des collectivités locales : incapables de maîtriser leurs coûts de fonctionnement, elles contribuent grandement à la difficulté de réduire la dépense publique.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : Selon le rapport, les collectivités locales dépensent surtout car elles continuent à embaucher et à promouvoir massivement leurs cadres, souvent sans corrélation directe avec leurs besoins. Pourquoi les collectivités adoptent-elles un tel management alors qu'elles se plaignent de problèmes budgétaires ?

Jean-Luc Bœuf : On peut être critique sur la gestion des collectivités locales, mais ce rapport de la Cour des comptes est vraiment à nuancer, notamment dans les reproches qu'il fait sur les dépenses des collectivités. La principale dépense d'une collectivité locale, c'est effectivement le personnel qui représente environ 50% des charges d'une collectivité. Chaque année, la masse salariale va augmenter "naturellement" même si vous ne recrutez personne. Trois raisons à cela : primo, l'obligation de respecter les contraintes imposées par l'Etat, et l'avancement de grades décidé au niveau national en négociation avec les syndicats, et que la collectivité doit prendre en charge. Secundo, les cotisations à la caisse des retraites des agents des collectivités ; contrairement au niveau national où celles-ci sont payées "fictivement" par l'Etat (puisqu'elles sont prélevées sur un budget qu'il décide lui-même), les collectivités doivent décaisser de l'argent frais pour régler des cotisations, dont l'augmentation n'est d'ailleurs pas décidée au niveau local. Tertio, il est vrai que l'évolution des carrières des agents décidée au niveau locale est en général plus favorable. Là-dessus, la Cour des comptes a raison, d'autant qu'il y a eu, c'est vrai, une augmentation forte des personnels des intercommunalités. Mais des trois facteurs que j'ai cité, c'est clairement le moins important.

Les collectivités arrivent à se financer par l'impôt car les bases de calcul sont revalorisées chaque année par les parlementaires lors des débats budgétaires. Pourquoi un tel "laxisme" des parlementaires ?

Cet argument de la Cour des comptes est totalement irrecevable. Autant je suis d'accord avec la nécessité de maîtriser la masse salariale, autant cette critique est de mauvaise foi. Elle repose sur une simple constatation comptable de l'évolution de la base sans prendre en compte l'inflation, sachant justement que l'évolution de la base est pratiquement toujours inférieure à l'inflation. Si votre inflation est à 1% et si le parlement décide de revaloriser la base de 0,5%, elles augmenteront certes en valeur absolue, mais cela constituera une perte face à l'inflation.

Les collectivités locales – et notamment les régions – ont tendance à vouloir occuper de plus en plus de champs d'action différents, ce qui entraîne – outre des doublons – une hausse des dépenses. Pourquoi les collectivités cherchent-elles absolument à être omnipotentes, au prix de l'incurie budgétaire ?  

Là encore, il y a de la mauvaise foi absolue de la part de la Cour des comptes. Qui est allé chercher les collectivités locales – et notamment les régions – pour financer les routes nationales, une partie de l'enseignement supérieur ou les TGV ? On demande le matin aux collectivités locales de pallier aux insuffisances de l'Etat pour les critiquer l'après-midi pour avoir augmenté les dépenses…

Cependant, il est vrai que les régions ont cherché pour construire leur légitimité à cofinancer les actions du département (routes, actions d'aménagement du territoire, salles de spectacle…). Elles sont donc aussi responsables d'avoir voulu peser sur l'ensemble du paysage local.

Comment enrayer la spirale de la dépense ? Une "loi de programmation des finances locales" a-t-elle une chance de refréner le laxisme budgétaire des collectivités ?

Le meilleur moyen de restreindre la dépense locale, c'est de restreindre la recette locale. C'est d'ailleurs ce que le gouvernement essaie de faire avec les dotations de l'Etat. Le vrai levier est là. On peut après donner l'illusion en affichant des objectifs nationaux, mais ils n'auront aucun impact sans baisse des recettes, qui elles entraîneront un vrai ajustement budgétaire. 

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