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La moitié des hôpitaux publics ont déjà négocié la fin des 35 heures.
La moitié des hôpitaux publics ont déjà négocié la fin des 35 heures.
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

Après les collèges, les syndicats vont se retrouver jeudi pour protester contre le projet de réforme du temps de travail, en chantier dans les hôpitaux. La manifestation ne sera guère déterminante car la moitié des hôpitaux publics ont déjà négocié la fin des 35 heures.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Martin Hirsch, le directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a mené cette affaire dans la discrétion. Lentement mais surement, il peut arriver à ses fins : supprimer les 35 heures sans augmenter les budgets. Et si l’AP-HP réussit cette réforme, il y a de fortes chances qu'elle soit appliquée à l’ensemble du système dans la France entière. La gauche aura donc abattu un des mythes les plus emblématiques contre lequel aucun gouvernement n’avait osé s’attaquer.

Dans le cas des hôpitaux de Paris, on ne peut pas dire que le gouvernement Valls fasse preuve de courage. La ministre de la Santé, embourbée dans sa réforme du tiers payant, a laissé Martin Hirsch conduire les opérations. Il n’avait plus le choix :

D’abord parce que la mission de l’hôpital public a tellement changé que les hôpitaux sont dans l’impossibilité d’assumer leurs responsabilités. D’où les files d’attente aux urgence, d’où le manque de lits et le déficit de mobilité entre l’hôpital de jour et, par exemple, les soins ambulatoires.

Ensuite, parce que les budgets de la sécurité sociale sont tels, que les directeurs d’hôpitaux ne peuvent pas créer d’emplois. Il fallait donc allonger la durée du service.

Enfin, il fallait aussi protéger la qualité des soins. L’application impérative des 35 heures ne permettait absolument plus d’atteindre ces trois objectifs et notamment la qualité des soins. L'absentéisme, le turn-over, l’accumulation des congés non pris, mettait l’hôpital en permanence entre le burnout et l’asphyxie.

Le résultat, c'est que très souvent les RTT ne sont pas prises. Elles s’accumulent dans des comptes temps, et l’hôpital fait appel à des intérimaires. Ingérable. Quand les 35 heures ont été appliquées c’était supportable. Depuis une quinzaine d’années, c’est l’étouffement.

Le projet en discussion vise évidement à allonger la durée du travail quotidien, sans doute jusqu’à 7 heures par jour, mais cela dépendra beaucoup des services et des fonctions. Les syndicats qui ont déjà engagé la négociation pensent qu'il restera en gros 10 jours de RTT par an.

Leproblème sera de négocier les contreparties. Là encore le climat semble s’orienter vers un compromis, un peu comme dans certains établissements privés qui sont déjà sortis du système. Le compromis partagerait le résultat de l’effort consenti par les personnels en trois tiers. Un tiers pour les assurés sociaux en baisse de coûts, un tiers en investissement et un tiers en rémunération compensatoire.

Alors, que les négociations sont déjà engagées, tout le monde joue le bras de fer. Les syndicats menacent d’une grevé longue et dure, les directions menacent de fermer des services entiers et de débaucher en proposant des regroupements.

Mais tout cela relève du jeu politique et syndical. Tout le monde est conscient qu’il faudra trouver une porte de sortie. Les personnels craignent de perdre 15 à 20 jours de RTT mais ils reconnaissent qu’ils ne pouvaient pas les prendre. Et mieux vaut perdre 15 jours de RTT plutôt que son emploi.

La réforme serait donc en bonne voie. Ce serait la premier fois que dans une entreprise publique, on trouve un compromis aussi important. La conjoncture et la situation financière catastrophique du système de santé ont rendu les acteurs plus responsables. La patience et le talent de pédagogue du directeur de l'AP-HP a aussi permis de mettre l’huile qu'il fallait.

Le problème sera plus difficile en province dans les hôpitaux locaux, parce qu'ils sont souvent présidés par le Maire. La difficulté dans cette affaire, c’est que pour réformer une institution importante en France, on s’aperçoit une fois de plus qu’il faut tangenter la catastrophe.

Si la crise rend intelligente la gauche au pouvoir, on en viendra à souhaiter qu’elle s’aggrave pour que la société française puisse enfin se réformer.

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