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Emmanuel Macron de plus en plus écartelé : trop à droite pour les uns, trop à gauche pour les autres. Les masques tombent et les amis du président parlent
©PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Atlantico Business

Une fois rentré de voyage, le président de la République va devoir recadrer son programme de réforme et trouver une résultante entre la droite de ses amis ex-rocardiens et les libéraux du monde des affaires qui trouvent que les réformes ne vont pas assez loin, ni assez vite.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Depuis qu’il est rentré de voyage, Emmanuel Macron se retrouve confronté à la réalité française qui commence à bégayer.

A ses amis qu’il reçoit et qui l’interrogent sur la situation, il répond désormais par une boutade qui résume assez bien sa problématique.

-Alors Emmanuel, comment ça va, en un mot ?

-En un mot, bien !

- Et en deux mots ?

-En deux mots, pas bien...

La réponse vaguement ironique correspond assez bien à la réalité.

Ça va bien, parce qu’en un an, le climat du pays a changé, les français sont un peu sortis de la politique politicienne pour se préoccuper des vraies questions, le gouvernement gouverne, la majorité discute un peu et vote des lois (beaucoup). Quant aux contre-pouvoirs syndicaux, ils tournent en rond. Bref, il n’y a pas de conflit majeur ni de résistance aux premières grandes réformes structurelles, pas plus qu’il n’y a de convergence des luttes comme le rêvait Jean-Luc Mélenchon. Le président peut continuer de présider avec une opinion publique dont les sondages nous disent qu‘elle n’est pas enthousiaste mais pas fondamentalement hostile.

Cela dit, c’est vrai aussi que, quand on creuse un peu ce qui se passe, Emmanuel Macron n’a aucune raison de se réjouir. Les premières améliorations perceptibles (croissance et emploi) sont plus imputables à la conjoncture internationale et aux mesures prises sous le quinquennat Hollande qu‘à sa propre action. Il faut du temps pour qu’une loi produise des effets perceptibles dans la vie quotidienne des français.

Par ailleurs, la politique, qui consiste à fonder le redressement sur la compétitivité, a besoin d’un écosystème international qui soit porté par une dynamique des échanges et par une Europe qui aurait retrouvé sa vocation. Or, l’imagination de Donald Trump ne prédispose pas à un renforcement du commerce mondial, au contraire. Et l’Union européenne a beaucoup de mal à définir un discours et un programme commun.

La conséquence d’un tel flou est que les réformes n‘engendrent pas les résultats qui pourraient être à la hauteur des promesses.

Alors, les oppositions politiques officielles de gauche (la France insoumise) et de droite (les Républicains et l’extrême droite) essaient de faire leurs jobs, mais n’ayant pas d’alternatives très fortes à offrir à l’opinion, elles ne réussissent pas à structurer leur action. L’opposition, qui peut être agaçante pour Emmanuel Macron, vient de sa propre famille ou de ceux qui sont à la marge de son mouvement.

A gauche, on sait maintenant que les économistes qui ont beaucoup travaillé pour lui pendant la campagne présidentielle ne se retrouvent plus très bien dans ce qui est proposé. Trois économistes de premier plan qui avaient planché sur son programme présidentiel ont adressé à l’Elysée une note « confidentielle » pour alerter le Président sur "l'image d'un pouvoir indifférent à la question sociale".

Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean Pisani-Ferry s'inquiètent que "l'ambition émancipatrice (...) du programme présidentiel échappe à un nombre grandissant de concitoyens, y compris parmi les plus fervents supporteurs de 2017". Et du coup, ils se font les porte-voix des soutiens du chef de l'Etat qui redoutent "un recentrage à droite" du gouvernement uniquement "motivé par la tentation d'occuper le terrain politique laissé en friche par un parti Les Républicains en crise".

Ils critiquent le poids politique et médiatique des ministres issus de la droite au sein du gouvernement, de Matignon jusqu'à Bercy, les trois économistes mettent en garde contre la tentation de réduire certaines dépenses sociales. Ils réclament plutôt un renforcement de la présence des représentants des salariés dans les conseils d'administration, mesure défendue par la CFDT de Laurent Berger, un durcissement de la fiscalité sur les grosses successions et la remise en cause des niches fiscales sur l'immobilier ou encore un report de la dernière tranche de la suppression de la taxe d'habitation.

Avec ces économistes qui sont issue de la 2ème gauche, celle de Michel Rocard, on trouve aussi beaucoup d’anciens du Parti socialiste, qui se réunissent périodiquement à la fondation Jean Jaurès.

Alors à droite, on assiste à la même fronde qui reproche au président une politique trop frileuse dans ses réformes et pas assez radicale pour réinstaller les fondamentaux d’une économie de marché capable d’affronter la concurrence internationale. Pour Gaspard Koenig, philosophe et essayiste, qui travaille à réhabiliter la pensée libérale en France avec son think tank Génération libre, Emmanuel Macron est beaucoup plus chrétien social que libéral. 

« Quand il était à Bercy, le doute était permis, dit-il dans un entretien à Capital, Mais il apparaît aujourd’hui clairement que non. Il ne l’est pas dans sa conception des institutions : c’est un présidentialiste puissance 10, qui adore la structure autoritaire de la Ve République. Il ne l’est pas non plus sur le plan des libertés individuelles : il a renforcé la répression des consommateurs de cannabis, par exemple, et a fait entrer la loi d’exception antiterroriste dans le droit commun. Ensuite, il ne semble plus vouloir casser les rentes, ce qui était pourtant intéressant à l’époque de la loi Macron... ! En réalité, Emmanuel Macron est un démocrate-chrétien »

Pour Jean-Marc Daniel, économiste de l’institut de l’entreprise et professeur à l’ESCP, Emmanuel Macron s'inscrit davantage dans la continuité de François Hollande. En outre, son discours perd progressivement de sa cohérence. Quand il était ministre de l'Économie, il était centré sur l'avenir, défendait les idées libérales et la promotion de l'Europe. Là, il engage des procédures qui ne vont pas jusqu'à leur terme. Par exemple, il prépare l'avenir en réformant le marché du travail par ordonnances mais il ignore ce qu'il va faire sur l'Unedic. Il veut relancer l'activité en baissant la fiscalité sur le capital mais il maintient d'une certaine manière cette fiscalité avec l'IFI (Impôt sur la fortune immobilière). Il veut rééquilibrer les finances publiques mais il reporte la réduction du déficit structurel. En pratique, il reste à mi-chemin. « Il est donc moins social et moins libéral que ce qu’on pouvait attendre au début de son quinquennat ».

Le gros problème pour les libéraux comme pour le monde des affaires, c’est l’incapacité du gouvernement à réduire les dépenses publiques. Ou même à les rendre plus efficaces. C’est le modèle administratif qui est en cause. Il ne fonctionne plus. Et dans bien des cas, le marché peut mieux faire pour moins cher.  Or, le mal français vient du poids de l’Etat et des collectivités publiques. Moins d’Etat, c’est évidemment plus de richesses créées et plus d’activité.

Cette critique est évidemment partagée par une grande partie du monde des affaires qui reconnaît les progrès réalisés, mais qui estime qu’il faudrait aller plus loin et plus fort. Il se félicite de la réforme de la SNCF, mais il remarque aussi qu’elle aura été obtenu au prix fort. Le statut des personnels actuels ne change pas. Quant au statut de nouveaux entrants, ils seront tous soumis à l’accord de branche auxquels participent tous les syndicats qui ont mené le conflit. La Sncf sera toujours propriété de l’Etat actionnaire. Bref, tout est encore en chantier. 

Pour la majorité des analystes de l’entreprise, cette timidité dans les réformes libérales va freiner le redressement de l’économie.

Parce qu’il se dit ni de droite, ni de gauche, Emmanuel Macron a fait exploser la classe politique et accédé à l’Elysée dans des conditions uniques dans l’histoire de la 5e République. Sauf que l’économie a du mal à trouver son rythme de croisière si la barre de la politique n’est ni à gauche, ni à droite. On ne peut pas à la fois faire une politique de l’offre pour attirer les entrepreneurs et les investisseurs en maintenant le niveau ces dépenses publiques au niveau qui est le leur depuis si longtemps en France

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