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Dette Covid-19 : les deux scénarios possibles pour la payer
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

Alors que l’opinion publique redoute d’avoir à payer la dette Covid si elle devenait, comme le virus, incontrôlable, les économistes ont deux solutions diamétralement opposées, mais possibles, pour la gérer. Les responsables politiques ne veulent pas trancher...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour la majorité des experts et des responsables politiques, le « Quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron n’est pas tenable. La France aura été un des pays les plus généreux pour amortir le choc du Covid sur le front de l’activité économique, mais en France comme ailleurs, on sait bien qu’il faudra payer l’addition d’une façon ou d’une autre. D’où le risque d’avoir à affronter après la crise sanitaire, une crise de l’endettement. 

Globalement, la France a dû emprunter près de 200 milliards d’euros en 2020 pour compenser presque à l’euro près la perte de richesses (chute de PIB de presque 9%). Cet argent, que l’on retrouve en déficit de dépenses publiques et sociales (11% de déficit budgétaire cette année), a servi à financer les aides aux entreprises via le fonds de solidarité, les allocations de chômage partiel, les dépenses de santé supplémentaires et surtout, cet argent a servi à compenser le déficit de recettes fiscales (au niveau de la TVA ou de l’impôt sur le revenu). Le résultat de cet endettement est que, sur l’année 2020, en dépit de cet effondrement de l‘activité, le pouvoir d’achat a été préservé, les contrats de travail ont été protégés et le nombre de faillites d’entreprise a été limité.

Alors, ces résultats peuvent sembler catastrophiques au niveau des grands équilibres macro-économiques, mais ils restent bénéfiques au niveau micro économique pour le plus grand nombre. Ce bilan n’exonère pas des difficultés rencontrées au niveau de certains secteurs (café-restaurants, hôtellerie, évènementiel etc…) et n’empêche pas les dégâts causés au niveau psychologique et sociétal, qu’il faudra prendre en compte.

La situation est d’autant plus compliquée que l’année 2021 n’offre pas une visibilité telle qui permettrait de prévoir une véritable amélioration. L’activité va reprendre parce que les procédures de confinement ont été adaptées et allégées, mais la reprise ne permettra pas de compenser les pertes ni d’engager un processus de désendettement.  

D’un point de vue strictement financier, le problème sera de trouver une solution à cette dette colossale afin d’éviter d’ajouter au stress du virus, un stress lié à la dette.

Face à ce problème qui préoccupe tout le monde, les experts sont partagés entre deux scénarios. Les responsables politiques aussi.

Le premier scénario est très classique pour ne pas dire orthodoxe. Il consiste à avertir l’opinion de l’insoutenabilité d’un endettement public qui dépasserait, comme cette année, les 120% du PIB et de la préparer à des efforts de redressement qui paraissent incontournables. Prolonger une politique budgétaire financée sur déficit, c’est prendre le risque de dépendre de ses créanciers et de perdre des pans entiers de sa souveraineté. Plus de 50% de la dette française est détenue par des étrangers et notamment des fonds souverains du Golfe ou des Chinois...

Pour les partisans de l’orthodoxie, il sera donc impératif de redresser assez vite la situation, donc de mettre en place de politiques d’assainissement budgétaire par une diminution drastique des dépenses de fonctionnement public et social, puis par des augmentations d’impôts.

Le principal effet pervers d’une politique budgétaire conventionnelle serait de prendre le risque d’étouffer l’activité et d’aggraver la situation en coupant les leviers de reprise.

Dans ces conditions, le pays est à la merci d’une opinion publique touchée par l‘austérité fiscale et la grogne sociale. C’est ce qui s’était passé en Grèce où les Européens avaient exigé un retour aux normes de Maastricht, au prix d’une asphyxie des populations les plus fragiles.

C’est exactement ce qui s’est passé en 2010 puisque deux ans après la crise des subprimes, des pays comme la France ont dû lancer des politiques de redressement sans bien réaliser qu’en luttant contre le déficit budgétaire, ils empêchaient aussi des mécanismes de reprise d’activité. Après la crise des subprimes, peu de pays ont échappé à une crise sévère liée à l’endettement public. Cette perspective-là a amené les experts à imaginer des scénarios beaucoup moins invasifs.

Le deuxième scénario est défendu par des économistes comme Olivier Blanchard ou Jean Tirole et même certains politiques. L’ancien ministre du Budget et actuel président de la Commission sur l’avenir des finances publiques, Jean Arthuis, doit, courant mars, livrer à Emmanuel Macron une analyse des hypothèses budgétaires possibles après le Covid. Ce deuxième scénario s’appuie sur l’idée qu‘une politique d’austérité serait insupportable pour un pays qui a déjà été mis à genoux par l’épidémie.

Les tenants de ce scénario estiment qu’on ne peut pas demander à un pays confiné si longtemps d’arrêter brutalement la perfusion de dette publique. Ils suggèrent donc un scénario, long mais simple, qui consiste à ne pas fermer les robinets du crédit. Au fur et à mesure que la crise du Covid desserre cette étreinte, on peut essayer de décélérer le rythme d’évolution de la dette, et si possible de renverser la tendance.  A partir de là, on s’organise autour de trois axes.

1er axe : surveiller les taux d’intérêt. Tant que les taux d’intérêt restent à un niveau très bas, proches de zéro, il faut savoir qu’un emprunteur a intérêt à emprunter puisqu‘il va gagner de l’argent à chaque euro emprunté. La France a battu des records historiques d’endettement mais sa charge financière inscrite au budget a diminué.

2e axe, la poursuite de l’endettement à taux zéropermettra au pays de continuer à investir et donc à progresser. Dès que les taux d’intérêts sont supérieurs au taux de croissance - ce qui sera le cas cette année, la dette augmente faiblement, et ce qu‘elle coûte chaque année diminue mécaniquement. Un pays européen peut ainsi soutenir son endettement très longtemps. Le pays n’a nullement besoin de pratiquer une politique d’austérité tant qu’il veillera à confiner une partie de ses dépenses publiques et sociales. Il n’a pas davantage intérêt à punir les entreprises et les titulaires de hauts revenus par un accroissement de l’impôt.

En revanche, il peut (il doit) inciter l’épargne liquide et disponible à s’investir dans les entreprises pour favoriser l’investissement.

3ème axe, s’assurer de la confiance des investisseurs. Cette période de fort endettement peut se poursuivre aussi longtemps que les taux d’intérêt resteront proches de zéro. Et les taux resteront aussi bas tant que les préteurs auront confiance dans la pérennité du système. Ils acceptent de prêter de l’argent à la France (mais pas que) parce qu’ils disposent de liquidités très abondantes et qu’il leur faut les placer même à des taux de rendement bas voire négatifs.

La maturité de l’endettement public de la France est de dix ans environ. Cette mécanique de désendettement quasi naturelle peut tenir au moins pendant dix ans. Normalement en dix ans, la France peur trouver le moyen d’amortir un capital contracté pendant le Covid. Si ça n’était pas le cas, il faudrait trouver d’autres solutions. Réemprunter par exemple. Mais aujourd’hui, les risques de voir les taux d’intérêt remonter avant dix ans sont minimes. Et tant que les taux resteront en deça du taux de croissance, il n’y a pas de risque de dérapage ou d’inflation qui perturberait l’équilibre de cette équation

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