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De Pompidou 1968 à Macron 2017 : les enfants de soixante-huitards ont pris le pouvoir pour les mêmes raisons que leurs aînés
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Atlantico Business

L’arrivée d’Emmanuel Macron a sans doute provoqué une secousse équivalente à celle que mai 1968 avait entrainée.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les historiens se pencheront sur les évènements que la France vit aujourd’hui, avec talent, mais il doit il y avoir en France, une magie des mois de mai.

L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron au terme d’une incroyable aventure n’est pas sans rappeler ce que la France a vécu en mai 1968. Même surprise, même brutalité, même ampleur. Avec sans doute, les mêmes espérances, les mêmes frustrations et les mêmes résultats.

Les évènements de mai 1968 ont marqué le réveil à la vie de toute la génération issue du baby-boom. Tous ces enfants nés entre 1945 et 1950 ont fait exploser toutes les structures du pouvoir. A l’université d’abord, on a déboulonné tous les mandarins, professeurs agrégés, docteurs, toutes les chapelles pour ouvrir les portes et les fenêtres sur un monde en plein changement. Les entreprises elles-mêmes sont entrées de plein pied dans des systèmes de production industrielle pour répondre à une demande de consommation de masse. Quant aux structures politiques, elles ont dégrafé les uniformes mentaux qui avaient permis au Général de Gaulle de remettre la France en ordre.

Mais à l’époque, il fallait aussi laisser le pouvoir à l’innovation, à l’imagination et à la concurrence européenne. De son propre aveu, le Général ne comprenait pas « cette chienlit ». Alors que cette jeune génération ne faisait rien d’autre que de pousser ses parents, hors des bureaux, de casser les cloisons, pour finalement installer au pouvoir un jeune Normalien et banquier de chez Rothschild, déjà: Georges Pompidou.

Ce jeune chef d’Etat avait peu d’expérience, mais il va, pendant son mandat, répondre en fait à la demande de tous ceux qui ont fait mai 1968. Il va mettre la France en position de croissance et de plein emploi et assumer la concurrence européenne.

En mai 1974, son successeur est encore plus jeune. Valery Giscard d’Estaing aussi regarde au-delà des frontières et veut poursuivre la modernisation. Mais le choc pétrolier l’oblige à s’arrêter et changer le modèle. La France hésite devant les réformes nécessaires.

Cette France issue de mai 1968 s’est embourgeoisée. Elle refuse donc le changement.

Du coup, ce refus-là va coaguler tous les déclassés de la croissance, et permettre à François Mitterrand de faire l’union de la gauche. Nous sommes encore une fois, en mai, mais en 1981.  De façon très habile, François Mitterrand va dissoudre les mouvements les plus radicaux, il va désespérer les riches mais c’est pour sauver Billancourt.

Mitterrand va reprendre la marche vers la modernisation, vers l’Union européenne, et vers l‘euro.

Les mandats suivants, ceux de Jacques Chirac, seront plus reposés et reposants... Alors qu’il aurait fallu préparer le pays aux changements suivants.

En fait, la génération qui, en 1968 avait tout bousculé, a conservé le pouvoir, partout, dans l’Etat, la presse, les entreprises. Elle a même érigé des protections pour résister.  Les socialistes sont devenus des bobos et se sont installés du côté de la Bastille, les libéraux de droite sont restés dans le 16e arrondissement ou sont partis faire des affaires mais hors des frontières. Le pays s’est ankylosé. Il a exporté ou expatrié ses Bac +7, mais il a dû importer des Bac-5 pour faire le travail que personne ne voulait plus faire.

La France a changé de siècle sans s’apercevoir qu’elle entrait dans l’ère du XXIème siècle, avec des frontières ouvertes et une révolution technologique qui allait tout changer dans la vie professionnelle et personnelle.

Nicolas Sarkozy a bien essayé de secouer le pays mais il a tellement donné l’impression de le violer à un moment où la crise financière le submergeait, que les Français ont pris peur et ont fini par le rejeter pour François Hollande qui se voulait amortisseur de chocs.

En mai 2017, ce sont les enfants des soixante-huitards qui ont porté Emmanuel Macron après une campagne jalonnée de psychodrames, mais qui a dégagé tous les anciens ou presque. Ce sont les enfants de bonnes familles, ceux qui ont fait des études, et dont les parents habitaient Paris rive droite et gauche réunies, les grandes métropoles, ceux qui sont partis à l’étranger (95% des expatriés ont voté Macron).

Et ils ont voté Macron pour les mêmes raisons que leurs parents ou leurs grands-parents avaient mis Paris à feu et à sang en 1968, il y a moins de 50 ans...

Ils ont voté Macron pour prendre le pouvoir dans les administrations, dans les entreprises, pour pouvoir voyager et consommer massivement l’information, la connaissance que le digital leur permet de faire circuler. Ils ont voté Macron parce qu’ils en avaient assez de voir leurs ainés se protéger dans leurs bureaux, leurs appartements qu’eux-mêmes ne peuvent pas se payer ou dans des résidences secondaires où ils se sont ennuyés.

Ils ont voté Macron parce qu’ils ont envie de liberté, d’innovation et d’imagination, de low cost et d’Uber. Ils ont envie de Macron, parce qu‘ils ont besoin de boulots.

Alors, dans ces conditions, Emmanuel Macron est condamné à orchestrer le changement. Tout comme Pompidou. Il va devoir répondre à cette demande. Une demande de prise de pouvoir, une demande de liberté individuelle, une demande de croissance, de partage de la richesse, une demande d’Europe plus fédérale dont plus protectrice.

Comme Pompidou, Macron raisonne un peu comme un chef d’entreprise. Les électeurs sont un peu des clients qu’il faut satisfaire.

Mais contrairement à Pompidou et à son successeur VGE, il va falloir qu’Emmanuel Macron n’oublie pas qu’une grande partie du pays n’a pas eu accès à la modernité. La mondialisation, l’Union européenne et le digital, toutes ces mutations ont été en fait préemptées par les anciens soixante-huitards.

Décidément, les mois de mai sont riches en évènements historiques. Alors les climatologues nous expliqueront que c’est en mai que l’on s’installe dans le printemps et l’été futur. C’est au mois de mai que le soleil se met à chauffer mais que c’est aussi en mai que les orages éclatent.

Les spécialistes du droit constitutionnel nous diront que c’est en mai que l’élection présidentielle a lieu ...oui mais pas forcément. En mai 1968, il n’y avait pas d’élection, et VGE est arrivé au pouvoir en mai 1974 à la mort de Georges Pompidou, donc de manière imprévue.

Dans la Rome antique, le mois de mai était celui de Maia, la déesse de la fécondité, celle qui inventait le futur.

Chez les celtes, le mois de mai était celui du dieu Bel et donc du feu.

Chez les catholiques, c’est le mois de Marie et des communions.

Et pour le monde entier, le mois de mai démarre par la fête du Travail. Normal !

Pour les Français, depuis un demi-siècle, « en mai fait ce qu’il te plait », mais attention « les mariages de Mai ne durent jamais très longtemps ! »

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