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COVID-19 : qui gagnera ? Ce virus est darwinien : gagne celui qui affaiblit le plus les autres
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Qui gagnera ?

Le COVID-19 est un drame pour tous, mais pas le même pour tous. Qu’on trouve ceci moralement lamentable ou non, il ouvre un gigantesque concours de résistance entre entreprises, pays, systèmes.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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L’entreprise gagnante est celle qui aura non seulement perdu moins que les autres, mais gagné plus, rachetant des concurrents valides mais affaiblis, au milieu des disparus. Le pays gagnant aura montré sa plus grande efficacité, ralenti moins, mobilisé plus de paracétamol budgétaire, par l’importance de son déficit, de vitamines monétaires, par la baisse de ses taux. Mieux encore, ce sera celui qui aura été vu comme le plus sûr pour mettre son épargne ou investir. C’est enfin le concours entre l’illibéralisme chinois, pour aider les pays émergents et pauvres à avancer, contre le libéralisme américain… pour aider les pays émergents et pauvres à avancer. Les terrains de bataille mondiaux sont devenus sanitaires.

La Chine est l’épicentre physique de la pandémie, à l’origine de ce virus logé dans une chauve-souris juchée sur un pangolin qui déambulait dans un marché de Wuhan (dit-on). Première et plus touchée en termes absolus : plus de 81 000 cas sur près de 160 000 officiellement recensés (le 15 mars), 3 200 morts sur 6 100 environ, elle annonce que la crise pourrait être terminée d’ici juin… si les États prennent les mesures qu’il faut ! « Première » à l’entrée certes, malheureusement, mais heureusement « première » à la sortie ! Ce sera désormais « la faute des autres » si le drame continue, sachant que les statistiques officielles chinoises font état de 11 000 cas « actifs » et d’un quasi arrêt des nouveaux (25), ce qui veut dire que, sur les 81 000 malades recensés, 67 000 auraient  récupéré. Dans ce macabre concours, la Chine a le plus souffert en nombres absolus, mais en sortirait la première et surtout serait la plus sûre par rapport à sa population !

Sur un million de Chinois en effet, on compte 2,3 morts, à comparer à 24 décès italiens sur un million : l’écart est énorme ! La Chine dira qu’on pourra discuter des sources de ce drame, né de la culture culinaire locale, de la proximité et de la pauvreté, mais qu’on pourra aussi noter l’efficacité des mesures, dans un État aussi grand que policé-policier. Et l’indice boursier de Shanghai se retrouve à son niveau moyen annuel, grâce aux seuls investisseurs locaux, peut-être aidés par les systèmes financiers locaux, peut-être poussés eux-mêmes par des « pouvoirs » locaux. Allez savoir ! Il reste que les bourses chinoises sont les premières à retrouver leurs niveaux « d’avant », par différence avec les plus de 20% de perte des Dow Jones, DAX et autre CAC 40, et 30% de l’indice italien. La Chine : first in, first out… par la Bourse et les quarantaines massives ! Grand prix des soutiens monétaire et boursier, et des interdits : on verra les chiffres plus tard !

L’Italie va-t-elle être la vraie victime de la pandémie ? Elle était, déjà, l’économie la plus fragile de la zone euro : au bord de la récession, un déficit budgétaire de 1,6% du PIB pour une dette de 135% du PIB, un système bancaire en profonde reconversion. Et voilà des aides importantes annoncées par la BCE, des milliards d’euros pour acheter plus de bons du trésor, des milliards de financement à des taux plus bas pour aider ses banques et leur permettre, qui sait, de faire des marges en achetant les bons du trésor italiens. Tout le monde gagnait : banques italiennes, trésor, pays… Mais Christine Lagarde, lors de sa conférence de presse du jeudi 12 mars, précise que la BCE ne « cherche pas à réduire les écarts de taux » en l’Italie et ailleurs ! Alors que c’était ce qu’elle faisait ! Pour ne pas prêter le flanc à une critique (allemande) de favoritisme ? Quoiqu’il en soit, tous les regards se tournent vers ce pays qui paraît le plus dangereux de tous !

Les Etats-Unis veulent montrer qu’ils ont été, à fois, les moins atteints, environ 3 100 cas de COVID-annoncés, 60 morts : 0,2 pour 1 million à ce stade, les plus réactifs, ils repartiront le plus fort. Ils sont les plus sûrs et protégés, et ont les poches les plus profondes. Bref : le pays le plus sûr au monde. La Banque centrale américaine baisse de 0,5% ses taux courts le 3 mars et ce n’est pas fini, puisque les marchés attendent une autre baisse d’au moins 0,5% le 18 mars, en allant jusqu’à 0% ! Elle a aussi apporté 1500 milliards de dollars au marché monétaire pour réduire les tensions interbancaires. En sus, elle s’engage à régulièrement alimenter les marchés. Quant au Président Trump, il a prévu un soutien budgétaire de 700 milliards de dollars, avec exemptions temporaires de charges sociales et baisses d’impôts. Les Etats-Unis s’engagent vers une phase de soutien monétaire et budgétaire sans pareil, avec un déficit autour de deux trillions. Et les investisseurs se ruent pour les acheter, puisque ce sont les plus sûrs !

Enfin, pour bien montrer son efficacité par rapport à la Chine, Donald Trump dans son discours le 11 ajoute que,  comme « l’Europe a échoué à pendre les mêmes précautions et à restreindre les voyages depuis la Chine et autres endroits sensibles… un grand nombre de nouvelles grappes de virus ont été semées aux États-Unis par des voyageurs venus d’Europe…. Nous suspendons tout voyage d’Europe aux États-Unis pour les 30 prochains jours… hors le Royaume-Uni (revu depuis)». Les États-Unis : même pas mal, sauf la bourse ! Grand prix du concours du meilleur abri économique et financier ouvert à tous ceux qui achètent ses bons du trésor. Pas de panique : avec un déficit qui augmentera de moitié, il y en aura pour tous !

Arrive la France : 4 500 cas environ et 91 morts, derrière l’Italie (21 000 et 1 450 morts), l’Espagne (7 700 et 290) et l’Allemagne (5 400 et 11).  La France présente un taux de contamination de 67 environ pour un million et de mortalité de 1,4 pour un million. Elle évitera mal la récession et pas le fort creusement de son déficit budgétaire, mais il ne semble pas poser de problème, avec des taux à -0,3% pour le dix ans. Evidemment, tout ceci sera regardé de près, notamment après les municipales qui pourraient accélérer la propagation du virus, indépendamment des précautions prises. Tragique, mais…

Aujourd’hui, le concours des meilleurs « anti-virus » est là : les Etats-Unis sont les plus résistants et attirants, l’Allemagne la plus sûre. La Chine est première à se sortir de l’épreuve où elle nous a plongés : preuve de l’efficacité des systèmes illibéraux, mais de très loin les plus risqués ? La zone euro ne brille pas par son efficacité et sa coordination, la France a une place « honorable », l’Italie inquiète beaucoup. Pas juste : saurons-nous en tirer les leçons ?

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