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Alzheimer : des scientifiques identifient un virus et deux types de bactéries comme causes majeures de la maladie. Le tournant tant attendu ?
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Crucial ?

Dans une tribune publiée par le "Journal of Alzheimer's disease", des chercheurs suggèrent que la maladie d'Alzheimer pourrait être causée par des virus ou des bactéries.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Dans une tribune publiée par le "Journal of Alzheimer's disease", écrite par une équipe de chercheurs et de cliniciens, des virus ou des bactéries pourraient être à l'origine de la maladie d'Alzheimer, contrairement à ce que l'on pensait précédemment. Bien que non confirmée, cette hypothèse est-elle crédible ? Comment expliquer ce changement de position sur la maladie? En quoi cela change-t-il ce que l'on sait de l'Alzheimer?

Stéphane Gayet : La notion de maladie infectieuse est souvent associée dans la conscience collective à une évolution aiguë. On a à l’esprit les infections aiguës virales, comme le rhume, la laryngite virale, la trachéite, la grippe, la conjonctivite aiguë virale, la gastroentérite aiguë, l’hépatite virale A, la rubéole, les oreillons… Ces maladies virales ont en effet une évolution aiguë, durent en général moins d’une semaine -à part l’hépatite virale A- et guérissent à la fois spontanément et le plus souvent sans laisser de séquelle. On a également à l’esprit les infections aiguës bactériennes, comme l’angine streptococcique, le panaris ou le furoncle à staphylocoque doré, l’infection urinaire à colibacille, la salmonellose digestive ou toxi-infection alimentaire, la pneumonie à pneumocoque, la méningite à méningocoque… Ce sont également des maladies qui ont une évolution aiguë, mais qui sont souvent plus sévères que les maladies virales, ont besoin d’une aide thérapeutique sous la forme d’un traitement antibiotique et peuvent laisser des séquelles plus ou moins graves.

La notion de maladie infectieuse chronique est plus récente. Elle déroge à la règle générale de la maladie infectieuse qui a un début et une fin. La maladie infectieuse chronique semble en effet ne pas avoir de fin, car son contexte de survenue et d’évolution n’y prédispose pas. La maladie infectieuse chronique est d’une façon générale due à un microorganisme peu pathogène ou virulent et survient chez une personne dont les défenses immunitaires sont diminuées. La notion de maladie infectieuse latente est encore différente : c’est une maladie d’origine virale ou bactérienne qui évolue de façon imperceptible et qui de ce fait ne semble pas rendre malade. L’infection latente par le virus VIH du sida avant la phase de sida avéré, l’infection latente par le virus de l’herpès entre deux poussées et l’infection tuberculeuse latente (ITL) en sont des exemples typiques.

La possibilité pour la maladie d’Alzheimer d’être due à une infection chronique très lente est tout à fait crédible. Cela fait penser à la syphilis tertiaire dans sa forme neurologique et à la maladie de Lyme chronique, également dans sa forme neurologique. Cela est encore à rapprocher de la maladie de Creutzfeldt-Jakob qui est une encéphalite chronique à prion ou ATNC, à l’origine d’une démence d’évolution lente et irréversible. Les auteurs de cette tribune se plaignent de l’aveuglement de la communauté scientifique mondiale qui s’obstine depuis 10 à 15 ans à ne cautionner des recherches en matière de maladie d’Alzheimer qu’en direction d’une cause toxique ou immunologique, refusant de prendre en compte les arguments en faveur d’une origine infectieuse.

Nos possibilités d’investigations microbiologiques nous permettent aujourd’hui de faire des recherches impensables il y a 10 ou 15 ans. On est à présent capable de trouver des traces de virus dans le noyau d’une cellule ou des traces de bactérie dans son cytoplasme. Car plus une infection est lente et discrète, et plus la mise en évidence de son agent infectieux est difficile. On découvre ainsi des traces de virus dans le cerveau de personnes qui semblent en bonne santé ; mais que vont ou peuvent produire ces virus ? Nous sommes ainsi amenés à revoir nos anciennes conceptions, classiques, en matière de pathologie infectieuse. La maladie d’Alzheimer, mais aussi la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson ou encore la sclérose latérale amyotrophique (SLA ou maladie de Charcot) pourraient parfaitement être liées à des infections chroniques très lentes.

Depuis quelque temps, on commence à évoquer l’éventuelle responsabilité du virus de l’herpès dans la maladie d’Alzheimer. Ce virus est présent chez tout un chacun. Chez les uns, il reste silencieux, tout à fait latent, chez les autres, il peut donner un herpès récurrent (bouton de fièvre), mais aussi une paralysie faciale (responsabilité probable de ce virus) ou une maladie gravissime et très rare, une encéphalite herpétique. On peut s’attendre à bien des découvertes à venir avec ce virus qui s’incorpore au noyau de certaines de nos cellules, comme le fait le virus VIH du sida.

Avec la maladie d’Alzheimer, on a multiplié les enquêtes épidémiologiques à très large échelle. Elles ont permis de mettre en évidence des facteurs favorisants, mais pas la cause princeps de cette maladie. Si l’on avait de bons arguments en faveur de la responsabilité d’un virus ou d’une bactérie, cela ferait avancer les recherches d’une façon considérable.

Si l'hypothèse venait à être confirmée, quelles seraient les nouvelles possibilités de traitements contre la maladie ?

Les microorganismes en vue dans la maladie d’Alzheimer sont : le virus de l’herpès ; Chlamydophila pneumoniae, petite bactérie intracellulaire à l’origine de pneumonies atypiques et proche de Chlamydia trachomatis qui est quant à elle à l’origine d’infections génitales tant chez la femme que chez l’homme ; des spirochètes, famille de bactéries à laquelle appartiennent celle de la syphilis et celle de la maladie de Lyme.

La mise en évidence du rôle avéré ou très probable d’un agent infectieux microbien dans la maladie d’Alzheimer pourrait déboucher sur un traitement curatif comme une antibiothérapie de longue durée ou un traitement préventif comme une vaccination (dans le cas d’un virus). Cette découverte pourrait également déboucher sur une prévention non spécifique de type hygiénique.

La possibilité d’une cause bactérienne à plusieurs maladies neurologiques -longtemps considérées comme « dégénératives »- est une raison de plus pour stimuler la recherche en faveur de nouveaux antibiotiques et surtout de nouvelles familles d’antibiotiques, voire de nouveaux agents thérapeutiques antibactériens différents des antibiotiques classiques (comme des peptides antibactériens qui sont des petites protéines). Cette possibilité pourrait également stimuler la recherche en direction de médicaments antiviraux curatifs qui restent à ce jour focalisés sur certains virus répandus et donnant des maladies graves (comme le virus VIH du sida, les virus des hépatites chroniques…). Heureusement, dans l’hypothèse de la responsabilité du virus de l’herpès dans la maladie d’Alzheimer, nous disposons déjà d’antiviraux efficaces sur ce type de virus ; mais que feront-ils sur une infection chronique très lente ?

Concrètement, quelles seraient les prochaines étapes à franchir pour valider l'hypothèse, et pour permettre l'apparition de tels traitements ? 

Il y a encore beaucoup de travail à réaliser. Entre la mise en évidence de traces d’un virus ou d’une bactérie chez certains malades et la preuve de la responsabilité de ce virus ou cette bactérie dans la genèse de la maladie, il y a un grand pas à franchir. Il faudrait déjà que la communauté scientifique internationale accepte cette idée d’une cause infectieuse probable et que plusieurs équipes de recherche se lancent dans de tels projets. Plus l’infection est lente et discrète, plus la recherche est difficile. On doit travailler à une échelle de plus en plus petite, ce qui complexifie la recherche et confère un caractère un peu aléatoire aux résultats obtenus. L’approche est à la fois virologique, bactériologique, immunologique et histologique. Il est fort probable que l’agent infectieux en cause ait besoin de facteurs favorisants pour provoquer la formation de ces plaques amyloïdes qui entraînent la mort de nombreuses cellules nerveuses ou neurones. Des métaux comme le fer et peut-être l’aluminium pourraient peut-être jouer un rôle favorisant.

Mais la première étape décisive sera la validation par la communauté scientifique mondiale de la forte probabilité d’une cause infectieuse à la maladie d’Alzheimer, ce qui n’est pas encore le cas. Car c’est une piste que, semble-t-il, les nombreuses enquêtes épidémiologiques à grande échelle n’ont pas suffisamment explorée, trop focalisées qu’elles étaient sur une cause toxique ou immunologique. L’écho qui sera donné à cette tribune dans les semaines et les mois à venir nous éclairera sur une éventuelle redirection des recherches sur cette épouvantable maladie.

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