Aïd el Fitr : ce que les 855 morts dans des attentats islamistes en un mois de ramadan nous révèlent de l'Etat islamique et de son avenir<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour desserrer l'étau qui pèse sur ses troupes, il déclenche, où il le peut, des opérations terroristes comme à Bagdad (plus de 210 morts) et plus symptômatiquement en Arabie saoudite.
Pour desserrer l'étau qui pèse sur ses troupes, il déclenche, où il le peut, des opérations terroristes comme à Bagdad (plus de 210 morts) et plus symptômatiquement en Arabie saoudite.
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Bain de sang

Alors que le mois de Ramadan se termine ce mardi, les quatre dernières semaines ont été particulièrement meurtrières dans le monde suite aux attentats djihadistes. Un constat qui s'explique autant dans la tradition djihadiste que dans la situation actuelle de l'Etat Islamique.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Alors que le mois de Ramadan se termine ce mardi, les attentats revendiqués par l'Etat Islamique lors de cette période (Irak, Bangladesh, Etats-Unis, Turquie, Syrie, etc.) a causé près de 800 morts. Comment expliquer cette recrudescence selon vous ?

Alain Rodier : Depuis la création de l'islam, le mois du Ramadan est une période de piété, de jeûne et de générosité vis-à-vis des plus démunis. Mais c'est aussi le mois où le djihad guerrier est magnifié. Mourir pour la cause durant ce mois sacré assure aux martyrs l'arrivée directe au paradis. Les violences ont donc toujours décuplé durant cette période et, pour ne pas remonter trop loin dans l'histoire, il suffit de regarder les "années noires" du début des débuts 1990 connues en Algérie. Le Ramadan avait alors connu une recrudescence des violences djihadistes.

Au-delà des raisons historiques, la situation actuelle de l'Etat Islamique peut-elle aussi expliquer cette augmentation du nombre et de la fréquence d'attaques terroristes aux quatre coins du monde ?

Le Groupe État Islamique (GEI, Daech) est salafiste-djihadiste. C'est-à-dire qu'il prône à un retour à l'islam conquérant des origines, considérant toutes les interprétations des textes sacrés qui sont venues après-coup comme "hérétiques". La recrudescence du djihad guerrier durant le mois sacré du Ramadan est donc naturelle pour ses idéologues qui poussent les activistes à passer à l'action.

Il est aussi évident que les reculs militaires rencontrés non seulement sur le front syro-irakien, mais aussi en Libye, mettent Daech dans une position "défensive" qui ne lui sied guère car, pour lui, la victoire est dans l'offensive. D'ailleurs, partout où il connaît des "reculs médiatisés", il lance des contre-attaques vigoureuses comme dans les régions de Palmyre, d'Alep, de Manbij (en Syrie) et dans la province d'Al-Anbar (Irak). Pour desserrer l'étau qui pèse sur ses troupes, il déclenche, où il le peut, des opérations terroristes comme à Bagdad (plus de 210 morts) et plus symptômatiquement en Arabie saoudite. Daech était présent depuis de longs mois dans le royaume mais les attaques, particulièrement de Médine, relèvent d'un niveau symbolique extrêmement fort dans le monde musulman. Abou Bakr el-Baghdadi défie frontalement les Saouds, les "gardiens des lieux saints". En gros, s'il s'agissait d'une partie de poker, on pourrait dire qu'il fait "tapis". Si le GEI frappait jusque là essentiellement des "apostats" chiites et des "mécréants" chrétiens - et autres -, il s'en prend directement aux sunnites (admis jusqu'alors comme des pertes "collatérales", par exemple au Yémen ou en Afghanistan) et, encore plus, aux wahhabistes saoudiens et donc, au coeur de l'Islam : Médine.   

Avec la fin du Ramadan, peut-on s'attendre à voir le rythme et l'ampleur des attaques terroristes de l'Etat Islamique diminuer ?

Je ne pense pas que le rythme des opérations terroristes va diminuer, d'autant que le commandement de Daech ne les dirige pas vraiment toutes. A savoir qu'il a appelé tous ses sympathisants de par le monde (et ils sont nombreux) à passer à l'action avec leurs moyens du bord. Ce sont donc ces "loups solitaires", qui chassent parfois en meutes, qui décident quand et où frapper (Orlando aux Etats-Unis, Dacca au Bangladesh). Par contre, il pilote certaines opérations comme celles de Paris le 13 novembre 2013 ou celles d'Arabie saoudite du 4 juillet 2016. Il serait logique que la spirale de la terreur se poursuive.

Tout en restant extrêmement prudent, je constate tout de même que Daech présente quelques signes de faiblesses. Ainsi, les exécutions d' "espions" ou de "traîtres" qui se multiplient sur le front syro-irakien me rappellent ce que faisaient les nazis dans les derniers mois du Reich. Ne plus gouverner que par la terreur et non plus sur l'adhésion des populations à la "cause" laisse dubitatif. Cela dit, le GEI n'est pas encore vaincu même s'il réussit la prouesse de se mettre le monde entier à dos.

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