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Michel Onfray contre les élites : des scénarios économiques de rupture inapplicables
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C'était mieux avant

Si Michel Onfray est devenu l’intellectuel le plus courtisé par les médias, et sans doute le plus apprécié par l’opinion, c’est qu’il apporte un début d’explication aux difficultés rencontrées par une grande partie de la population qui souffre directement de la crise et à laquelle les responsables politiques n’apportent pas de réponse.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Dans la galaxie médiatique, tout se passe comme si Michel Onfray, auteur prolifique et philosophe sincère dans ses convictions, avait donné à tous les frondeurs et les extrémistes une sorte de légitimité intellectuelle dans leur révolte contre le système. Après la mort de Stéphane Hessel, les indignés, et tous ceux qui souffrent du système, ont retrouvé en la personne de Michel Onfray une sorte de mentor.

Et c’est vrai que souvent, les analyses et les réflexions de Michel Onfray sont séduisantes et convaincantes. Le "peuple des anonymes" dont il voudrait être un porte-parole, trouve dans son œuvre monumentale et dans ses apparitions médiatiques innombrables, matière à pédagogie rassurante. Si parfois certains lui reprochent  d’être trop prêt des idées du Front national, c’est peut-être parce que le FN soulève parfois, comme lui, un certain nombre de questions. Mais tous ces problèmes n’ont pas été inventés par Marine le Pen.

Michel Onfray fait un vrai diagnostic sur les dérives des responsables politiques qui ne répondent pas aux attentes de leurs électeurs. Un vrai diagnostic sur l’incapacité de l’Europe à régler les problèmes, sur les dysfonctionnements de l’euro etc.

Mais comme tous les mouvements extrémistes, du Front de gauche au Parti communiste, en passant par les frondeurs du PS et les écolos gauchisants, comme Stéphane Hessel et ses indignés, en France comme à l’étranger, Michel Onfray n’apporte pas d’alternative.

Les scénarios de rupture qui sont les siens, sont inapplicables et irréalisables. On peut même penser que l’opinion de ceux dont il relaie les indignations n’accepterait pas la rupture avec les institutions, avec l’Europe, avec l’euro. Franz-Olivier Giesbert, le directeur du Point a beaucoup contribué à construire la notoriété de Michel Onfray. Il reconnaissait cette semaine que l’on pouvait difficilement être d’accord avec beaucoup de ces analyses.

Ce qui est bancal dans le raisonnement des indignés, qu’ils soient Français, Grecs ou Espagnols, de gauche radicale ou du Parti socialiste, c’est qu’ils appuient sur une analyse de la situation économique qui date d’un demi-siècle. Michel Onfray en tête, pense que l’État peut tout, et que la démocratie donne une légitimité à toute initiative. Et que si on est dans cette situation, c’est que les pouvoirs sont complices de la décadence, soit corrompus, soit incompétents.

En réalité, jamais dans ses écrits ou dans ses diatribes, Michel Onfray fait référence aux bouleversements du monde. Et notamment, trois grands changements qui ont obligé  les sociétés occidentales à faire d’énormes efforts d’adaptation.

La mondialisation. Jamais Onfray n’en parle sauf pour dire qu’elle est porteuse de misère, de délocalisations et par conséquent de chômage. Que le mondialisation ait permis en dix ans à des peuples des pays émergents de sortir de la misère et de pouvoir rêver d’un avenir meilleur, ne le concerne pas. Or, la mondialisation n’a pas été inventée par une bande de capitalistes qui auraient fomenté cette construction diabolique à l’insu des populations. La mondialisation est un pur produit de la libération de certains peuples qui étaient opprimés sous le joug communiste d’abord et l’archaïsme de pays en voie de développement

L’économie de marché universelle et appliquée partout sur la planète. Jamais Michel Onfray ne dit que le monde de l’Est s’est affranchi de la dictature communiste et que le monde entier partage de l’Est à l’Ouest, l’économie de marché. La concurrence s’est imposée partout sur la planète comme un système d’organisation des rapports économiques pour créer de la richesse. Que ce système ait des défauts, sans doute, qu'il ait besoin de règles et même de régulation sans doute, mais c’est comme la démocratie. On n’a rien trouvé de mieux pour créer de l’activité et du progrès matériel pour le plus grand nombre.

Le progrès technologique. Jamais Michel Onfray n’en parle sauf pour en souligner les effets pervers. Le progrès technologique, la libération des moyens de communication, l’intelligence appliquée à l’organisation des systèmes de production ont quand même amélioré la vie quotidienne de plusieurs milliards d’individus. Surtout, cela a permis d’allonger la durée de vie pour beaucoup d’humains.

On peut certes nier les bienfaits de la mondialisation en ne retenant que les contraintes et les disfonctionnements. On peut nier que la concurrence soit porteuse de progrès et ne retenir que ses aspects douloureux et destructeurs. On peut aussi ne pas reconnaitre que l’humanité vit globalement mieux aujourd’hui qu'il y a un siècle grâce aux différents progrès technologique. On peut rêver d’une croissance zéro… on peut certes.

Mais le problème, c’est que Michel Onfray, comme tous les autres, n’arrêtera ni la mondialisation, ni la concurrence, ni le travail de l’intelligence. On ne déplace pas la montagne, comme l’écrit André Comte-Sponville, on l’escalade si l’on en a la force  ou on la contourne si on est malin… mais on avance.

Le problème n’est donc pas de renoncer à la globalisation, ni à la concurrence, ni au progrès de la technologie dans tous les domaines. Le problème est d’affronter les contraintes que cela représente, d’assumer les efforts induits et d’accepter les évolutions qui sont inéluctables.

Alexis Tsipras en a fait l’amère expérience. Il voulait s’affranchir des règles de vie en communauté européenne, il a été obligé de reconnaitre que cela n’était pas possible. La démocratie ne permet pas tout et n’importe quoi. C’est dommage que les frondeurs, les Fronts de gauche et les extrémistes radicaux oublient les contraintes économiques et financières.   

Il ne suffit pas de dire, comme Martine Aubry, "Macron, ras-le-bol". Emmanuel Macron tient un discours de responsabilité et de pragmatisme qui est approuvé par 70% de la population française.

Martine Aubry a peu de légitimité pour fustiger un des rares ministres populaires de François Hollande. On ne peut pas dire que les 35 heures, son œuvre, aient apporté une solution au chômage de masse. On ne peut pas dire qu’en période de crise où le système plie sous le poids des dépenses publiques, qu’il faut plus de fonctionnaires.

Michel Onfray doit approuver Martine Aubry, et tous ceux qui à gauche et parfois à droite, regrettent le temps où la France était un espace fermé avec une monnaie bien française. Un ministre de l’Économie qui régentait les entreprises et une inflation qui galopait au rythme des salaires que l’on augmentait pour acheter la paix sociale. C’était l’époque où les frontières étaient fermées, où les produits ne circulaient pas, où l’internet n’était pas inventé. C’était, il y a un demi-siècle. On peut dire que c’était mieux avant mais ça dépend pour qui.

Quant à savoir s’il faut pratiquer une politique de droite ou une politique de gauche, c’est perdre son temps. Il faut pratiquer une politique efficace et qui réponde aux problèmes que pose la modernité.

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