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Il y un truc qui m&#39;intrigue dans la manière dont pro et anti port d&#39;arme se servent de chaque nouveau massacre pour conforter leurs certitudes au lieu de les réévaluer.&nbsp;Ainsi, pour les premiers, le drame du Bataclan aurait pu être évité si les spectateurs avaient eu le droit de se promener avec un pistolet à la ceinture&nbsp;; mais le drame d&#39;Orlando, où il est légal d&#39;être armé et où au moins deux vigiles l&#39;étaient, n&#39;a pas pu être évité pour autant.&nbsp;Dans le même ordre d&#39;idée, les ennemis de l&#39;auto-défense affirment que c&#39;est parce qu&#39;il est facile de se procurer une arme aux États-Unis qu&#39;Omar Mateen a pu faire un carnage&nbsp;; mais la difficulté présumée d&#39;acheter une mitraillette à Paris ou à Bruxelles n&#39;a pas non plus empêché Abdeslam et son gang de faire 150 victimes (pour ne rien dire de Merah, des Kouachi ou de Nemmouche).&nbsp;D&#39;un point de vue objectif, et même s&#39;il y a effectivement plus d&#39;homicides par balles &laquo;&nbsp;standards&nbsp;&raquo; de l&#39;autre côté de l&#39;eau que chez nous, il semble que les deux doctrines soient également inopérantes en matière de terrorisme.&nbsp;Qu&#39;on se rassure, je n&#39;en déduis pas qu&#39;il est temps de s&#39;inscrire à la NRA et de voter Donald Trump (qui n&#39;a d&#39;ailleurs pas encore annoncé sa candidature à la primaire LR, même si elle ne serait pas plus grotesque que celle de Rama Yade ou de Nadine Morano). Je me dis juste que ça risque d&#39;aller plus mal avant que ça aille mieux &ndash; ici et là bas, avec ou sans port d&#39;arme.

Port d'arme et terrorisme : les malheurs du sophisme

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Je suis sans doute un être humain de moins bonne qualité que lui, mais je ne suis pas spontanément en empathie <a href="http://www.franceinfo.fr/actu/faits-divers/article/antoine-leiris-les-terroristes-n-auront-pas-ce-qu-ils-cherchent-se-tiendra-debout-745965">avec l&#39;homme dont la compagne est morte au Bataclan</a> lorsqu&#39;il assure, sur Facebook et sous un concert de louanges convenues (d&#39;ailleurs souvent sincères, car qui ne souhaite pas devenir un meilleur être humain&nbsp;?), qu&#39;il n&#39;a ni haine ni colère et qu&#39;il continuera à jouer avec son petit garçon à l&#39;heure du goûter en guise de pied de nez...Il y a quelque chose comme de l&#39;abdication fataliste qui ne me plaît pas derrière cette proclamation d&#39;absence de colère. Comme l&#39;idée qu&#39;il est déjà passé à autre chose&nbsp;; que nous devons déjà passer à autre chose&nbsp;; qu&#39;il s&#39;agirait même la meilleure façon de rendre la monnaie de leur pièce aux assassins.Je ne présume évidemment pas de ce qui se passe dans la tête de quelqu&#39;un qui vient de traverser une épreuve pareille mais, au moins autant que ceux chez qui cette réaction trouve un écho positif, je suis capable de me projeter dans la situation. Et dans ma projection, je suis indiscutablement en colère. Désespéré, inconsolable, écœuré, anéanti, mais en colère.On m&#39;a fait remarquer, alors que je développais ce point de vue en privé, que je passais à côté de ce qui animait cet homme, que le deuil prenait tout un tas de formes différentes, que c&#39;était sa manière à lui de réagir et que réduire son initiative à l&#39;affichage d&#39;une photo de chaton mièvre sur les réseaux sociaux en face d&#39;une telle tragédie était ne pas comprendre qu&#39;il exprimait, en réalité, force et dignité.C&#39;est possible. On l&#39;a vu, je n&#39;exclus pas d&#39;être un être humain d&#39;un calibre inférieur. La colère, après tout, ne sert à rien. Elle n&#39;a pas de contenu pratique. Elle ne fait pas revenir les disparus. Elle n&#39;émeut même pas le barbu sanctimonieux qui, de son QG de Racca, décide de qui doit mourir à Paris ou à Beyrouth. Au contraire.Mais c&#39;est une émotion humaine, primitive, légitime, que même Aristote approuve dans <a href="http://www.echosdumaquis.com/Accueil/Textes_(A-Z)_files/Éthique à Nicomaque.pdf#page=96">l&rsquo;Éthique à Nicomaque</a> (oui, voilà que je fais mon Enthoven, maintenant, mais il faut bien que je préempte l&#39;accusation <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Critique_de_la_raison_cynique">de faire mon Sloterdijk</a>)&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&#39;homme (...) qui est en colère pour les choses qu&#39;il faut et contre les personnes qui le méritent, et qui en outre l&#39;est de la façon qui convient, au moment et aussi longtemps qu&#39;il faut, un tel homme est l&#39;objet de notre éloge&nbsp;&raquo;.Moi, je suis en colère. Pour lui, pour elle et pour tous les autres. Même si ça ne sert à rien (et vous avez le droit d&#39;être en colère après moi).

Attentats : pourquoi j'assume, moi, d'être en colère

La vie en rouge 

J&rsquo;étais au cinéma ce vendredi soir. Au MK2 Bastille. A deux pas du Bataclan, au bar duquel j&rsquo;avais justement pris un pot un peu plus tôt dans l&rsquo;après-midi parce que c&rsquo;est mon territoire. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;en rallumant mon portable à la fin de séance, en même temps que la trentaine de personnes s&rsquo;étant également fourvoyée en allant voir The Lobster, que j&rsquo;ai appris que quelque chose de terrible était en train de se passer boulevard Richard-Lenoir. En lisant les 25 SMS ou en écoutant la flopée de messages vocaux de mes proches, inquiets de ne pas pouvoir me joindre depuis le début des attentats&hellip;Dans la rue Oberkampf, des flics et des pompiers de partout, des fourgons TV avec leurs paraboles géantes sur le toit, des gens qui se pressent de rentrer chez eux, des attroupements étrangement silencieux le long des barrières de sécurité installées autour de la salle de concert. &laquo; Il y aurait encore des otages à l&rsquo;intérieur et ils les tuent un par un &raquo;, dit un type qui écoute France Info. &laquo; La police s&rsquo;apprêterait à donner l&rsquo;assaut &raquo;, assure un autre qui regarde iTele sur son iPhone. On compterait déjà des morts par dizaines. Une seconde attaque aurait eu lieu au Stade de France. Il s&rsquo;agirait d&rsquo;attentats-suicides, de types qui se font sauter volontairement au milieu d&rsquo;une foule en criant &laquo; Allah Akbar ! &raquo; comme dans Homeland. Et des terrasses de café auraient été mitraillées. Toujours à deux pas d&rsquo;ici, rue de la Fontaine-au-roi.&nbsp;On entend tout et n&rsquo;importe quoi. On n&rsquo;y croit même pas tellement c&rsquo;est grotesque. Je passe un tas de coups de fil pour rassurer les miens qui, plantés devant leurs télés, me confirment que toute cette folie est vraie et que la consigne officielle est d&rsquo;aller se mettre à l&rsquo;abri parce qu&rsquo;une poignée de mabouls erre encore dans le secteur kalachnikov en main. Ma fille ainée est à Marseille, la petite est en Normandie pour le weekend et, sur Facebook, les amis parisiens se signalent comme sains et saufs à la cantonade et je fais la même chose par acquis de conscience. Tout va bien pour nous mais je pense aux familles des ados qui étaient au concert, à celles des footeux qui s&rsquo;étaient offerts un France-Allemagne&hellip;On entend dire qu&rsquo;il faudra désormais vivre avec ca. Qu&rsquo;il faudra s&rsquo;attendre à apprendre qu&rsquo;un nouveau carnage s&rsquo;est produit à chaque fois qu&rsquo;on sort d&rsquo;un spectacle, voire à être la &nbsp;prochaine victime du carnage en question. Le maire de Jérusalem, <a class="Colorbox" href="http://mailto:http://www.atlantico.fr/rdv/zone-franche/nir-barkat-maire-jerusalem-europe-et-etats-unis-ne-sauraient-pas-gerer-intifada-couteaux-hugues-serraf-2430389.html" target="_blank">dont je rapportais justement les propos la semaine dernière</a>, suggérait que nous n&rsquo;étions pas taillés pour ca, qu&rsquo;on ne saurait pas le gérer. Je ne pense plus&nbsp;qu&rsquo;il ait raison, finalement. Le lendemain, tout avait l&rsquo;air normal à nouveau. Les gens se baladaient dans la rue, mangeaient dans des restaurants, buvaient de la bière en terrasse comme si de rien n&rsquo;était. Ils n&rsquo;étaient pas insensibles (moi aussi j&rsquo;étais au resto), mais presque blasés. Terroriste, attentat-suicide, dizaines de morts, ca se prononce désormais dans la même phrase que onzième arrondissement, rue Oberkampf , rue de la Fontaine-au-roi et boulevard Richard-Lenoir. Le terrorisme du quotidien, nous y sommes déjà habitues.

Un terrorisme du quotidien ?

La &quot;rue israélienne&quot; n&#39;a pas l&#39;air particulièrement perturbée par l&#39;&quot;intifada des couteaux&quot;, l&#39;épidémie de poignardages aveugles qu&#39;elle subit déjà depuis des mois. A Tel-Aviv, cette espèce de San Francisco du Moyen-Orient, on continue à jogger en bord de mer et à siroter des mojitos en terrasse rue Bograshov pendant qu&#39;à Jérusalem, le Lourdes local, les orthodoxes en redingotes remontent encore l&#39;avenue Ben Yehuda en marmonnant leurs prières sans souci apparent.&nbsp;Les pèlerins chrétiens du monde entier qui ont cassé leur tirelire pour parcourir le pays la Bible en guise de guide du routard sont peut-être un peut moins nombreux, c&#39;est sûr, et les vendeurs arabes d&#39;articles religieux made in China font sans doute <a href="http://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/021407855440-leconomie-israelienne-resiste-a-lintifada-des-couteaux-1165972.php">un peu moins de chiffre d&#39;affaires</a> entre la porte de Jaffa et le Saint-Sépulcre mais, au final, c&#39;est business as usual en terre sainte...<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nir_Barkat">Nir Barkat</a>, le maire de Jérusalem, attribue cette relative absence de tension à l&#39;habitude qu&#39;ont les Israéliens&nbsp; de ce genre de situation&nbsp;: &quot;Je crois que la seule différence notable est que les gens ont désormais tendance à regarder devant eux en marchant dans la rue plutôt que les yeux rivés sur l&#39;écran de leur iPhone. Je ne sais pas si c&#39;est efficace contre les terroristes mais ça leur évite au moins de se prendre un poteau de signalisation dans la figure...&quot;.<h3 class="s2">Jean-Claude Gaudin en Chuck Norris&nbsp;?</h3>Du point de vue de ceux qui, en France, et en dépit d&#39;une connaissance parfois lacunaire de ce qui se joue entre Israéliens et Palestiniens, ont choisi de soutenir les seconds plutôt que de se demander comment les réconcilier une fois pour toute avec les premiers, ces poignardages sont de toute manière autant d&#39;actes politiques légitimes. La poursuite d&#39;une diplomatie de désespérés par d&#39;autres moyens, comme dirait Clausewitz s&#39;il était reporter à Al-Jazeera... Mais Barkat serait en désaccord, qui pointe surtout l&#39;absence de référence au conflit proprement-dit dans <a href="http://www.slate.fr/story/108557/racines-intifada-couteaux">cette intifada hors-normes</a>&nbsp;: &quot;Les assaillants sont souvent très jeunes, peu politisés, et leur profil est plus fréquemment celui d&#39;ados radicalisés religieusement sur les réseaux sociaux que de défenseurs de la cause palestinienne. C&#39;est &quot;Allah Akbar&nbsp;!&quot; qu&#39;ils crient en attaquant, pas &quot;vive la Palestine&nbsp;!&quot;&quot;.La nouvelle perception israélienne de la situation est effectivement que c&#39;est l&#39;expansion de discours fondamentalistes déconnectés de &quot;la Cause&quot; plus que le nationalisme qui alimente cette vague de violence, le Fatah de Mahmoud Abbas comme le Hamas a Gaza étant eux mêmes débordés par l&#39;émergence <a href="http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/07/01/l-ei-menace-israel-le-hamas-et-le-fatah_4665981_3218.html">d&#39;un islamisme plus centré sur le fameux &quot;rétablissement du Califat&quot; que sur la création d&#39;un État palestinien souverain</a>. D&#39;où le parallèle que suggère Nir Barkat entre ces attaques, le plus souvent dirigées contre des civils lambda de tous âges, et les &quot;loups solitaires&quot; qui animent désormais les rubriques de faits divers <a href="http://www.leparisien.fr/faits-divers/marseille-un-rabbin-et-deux-fideles-agresses-au-couteau-par-un-desequilibre-24-10-2015-5215601.php">en Europe</a> et <a href="http://www.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-un-etudiant-poignarde-cinq-personnes-sur-un-campus-avant-d-etre-abattu_1159615.html">aux États-Unis</a>&nbsp;:&nbsp; &quot;En France, vous faites déjà face à des phénomènes similaires, comme dans l&#39;affaire du Thalys par exemple. Des gens dont on ne sait pas s&#39;ils agissent de leur propre chef ou s&#39;ils sont téléguidés &ndash; et sans doute est-ce un peu les deux finalement&ndash;&nbsp; se lancent dans des attaques souvent suicidaires et totalement indiscriminées et c&#39;est quelque chose avec quoi il va vous falloir apprendre à vivre&quot;.Dans ce contexte, il constate que son pays est vraisemblablement mieux préparé que l&#39;Europe à en gérer les conséquences pratiques, ne serait-ce que parce que la majorité des Israéliens, hommes et femmes, sont passés par l&#39;armée et ont au moins une vague idée de ce qu&#39;il faut faire face à un homme armé d&#39;un couteau semant la panique dans la file d&#39;attente d&#39;un arrêt de bus&nbsp;: &quot; Dans le train Paris-Bruxelles, ce sont des militaires américains en vacances qui ont permis d&#39;éviter le drame. Pas spécialement des héros, mais des gens entraînés et aguerris&nbsp;; un fanatique a plus de chance de tomber sur ce profil à Jérusalem qu&#39;à Paris ou à Londres&quot;. Et le maire de Jérusalem sait sans doute de quoi il parle en l&#39;espèce, cet ancien start-upper passé à la politique, auquel on prête parfois des ambitions nationales, ayant <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2015/02/23/01003-20150223ARTFIG00139-le-maire-de-jerusalem-maitrise-l-auteur-d-une-agression-au-couteau.php" style="font-size: 12px; line-height: 1.5;">lui même stoppé une attaque en février dernier</a>, Chose que l&#39;on imagine mal sous nos latitudes, un Jean-Claude Gaudin jouant les Chuck Norris étant assez improbable...

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