Deux ans après le début des "révolutions arabes" et des milliers de morts plus tard, les Occidentaux, qui ont pris fait et cause pour l’opposition islamiste et appelé à la chute du régime de Bachar al-Assad, commencent à se rendre compte que l’option russe, qui prônait au contraire une solution politique, n’est peut-être pas la pire. Il y quelques mois encore, les capitales occidentales misaient encore sur une chute rapide de Bachar et accusaient Moscou de le soutenir.
Mais entre-temps, les Etats-Unis, qui ne peuvent pas fournir des armes à des islamistes syriens liés à al-Qaïda en Irak que les JI’s combattent, ont compris qu’aucune solution ne peut exclure la Russie, seule capable de pousser Damas à accepter un accord et une porte de sortie. Défendu à la fois par l’Iran, la Russie, la Chine, l’Irak, le Liban (Hezbollah), le Venezuela, la Corée du Nord, Cuba, etc, le régime syrien conserve une capacité de nuisance : conflit israélo-palestinien ; attentats en Turquie commis par des groupes pro-syriens ; activisme du Hezbollah, etc.
La Russie est donc à nouveau prise au sérieux par les grandes chancelleries. D’où les visites à Moscou du secrétaire d’Etat américain John Kerry, du premier ministre britannique David Cameron, et même du Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahou, qui a demandé à M. Poutine de ne pas honorer la livraison de missiles russes antiaériens S-300 à Damas. D’où aussi l’accord conjoint entre Vladimir Poutine et Barak Obama concernant la conférence internationale sur la Syrie ("Genève 2") envisageant un gouvernement de transition. Ignorant pour une fois la position des puissances sunnites (Turquie, Arabie Saoudite et Qatar), Washington a renoncé à faire du départ de Bachar un préalable et a semblé accepter l’idée russe d’un futur gouvernement acceptable par toutes les parties formé après 2014 en échange de sa promesse d’Assad de renoncer à se représenter.
Quant à la France de François Hollande, marginalisée, elle continue de soutenir la réunion du "groupe des Amis de la Syrie" formée par les pays hostiles à Assad qui se tient à Amman cette semaine... C’est dans ce contexte que Bachar, décidé à influencer la conférence, a confirmé le 18 mai, dans une interview accordée à des journalistes argentins, qu’il poursuivrait son mandat jusqu’en 2014, fait évident dès lors que l’Occident n’est pas intervenu militairement en faveur des rebelles incapables de vaincre seuls. Bachar al-Assad a par ailleurs totalement nié l’utilisation par son régime d’armes chimiques – selon lui prétexte à une périlleuse intervention occidentale – qui auraient été en revanche utilisées par les rebelles. Tout en saluant l’initiative russo-américaine, il a enfin averti qu’il sera impossible de faire respecter un cessez-le-feu par une rébellion divisée composée de centaines de groupes sunnites unis par la seule volonté de détruire Bachar et l’axe-chiite Iran-Syrie-Hezbollah.
Il est vrai que le conflit syrien tourne de plus en plus en guerre de religion, ceci dans le cadre de révolutions arabes soutenues par les pétromonarchies sunnites qui aident partout les islamistes à renverser les régimes laïques et l’axe chiite syro-libano-irakien soutenu par l’Iran. Dans ce contexte, la stratégie de Téhéran consiste à renforcer le Hezbollah libanais chiite, dont 8 000 miliciens sont déployés en Syrie pour aider Assad à sécuriser les zones qu’il contrôle. D’où les raids israéliens en Syrie sur des armements destinés au Hezbollah : ces raids ne visaient pas à appuyer les rebelles mais à empêcher le renforcement du Hezbollah, qui pourrait déclencher une offensive sur le Nord d’Israël en cas de raid israélien ou américain sur l’Iran (qui cherche à se doter de l’arme nucléaire).
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