Atlantico : Selon Les Echos de ce lundi, le RSA activité, qui offre un complément de revenus aux travailleurs pauvres, pourrait être réformé par le gouvernement. "Le RSA activité ne marche pas", a admis sans difficulté la ministre des Affaires sociales et de la santé Marisol Touraine. Si l'on en croit un rapport du Centre d'analyse stratégique, 68% des personnes éligibles au RSA activité ne le demandent pas. Pourquoi le RSA activité n’a-t-il pas fonctionné ?
François Legendre : Dans les critiques qui avaient été faites au RMI, on a sans doute trop mis l'accent sur ses effets désincitatifs par rapport au retour à l'emploi. Il y avait pourtant un système d'intéressement pour faire en sorte que « le travail paye ».
C'est ainsi que Martin Hirsch a promu le RSA essentiellement du fait de sa composante « RSA activité ». Rétrospectivement, on voit que l'instrument n'est pas adéquat. C'est bien sûr facile après coup d'émettre une telle proposition et il faut bien reconnaître que les experts n'avaient pas bien anticipé cela. De plus, la crise est passée par là et la mesure dans laquelle le chômage, pour une grande partie, est involontaire a été révisée à la hausse. Le RSA reste perçu comme un minimum social et non comme un dispositif de soutien au niveau de vie des personnes en situation de pauvreté laborieuse.
La crainte d'être stigmatisé a-t-elle joué un rôle significatif dans cet échec ?
Il n'y a pas que la crainte de la stigmatisation. Il y aussi une logique de l'honneur. Les gens ne veulent pas aller quémander le bénéfice d'un dispositif dont ils ont l'impression qu'il ne s'adresse pas à eux. La légitimité du RSA activité, qui constitue une forme de subvention à des emplois de médiocre qualité, reste limitée. En outre, le système est lourd et intrusif : il faut déclarer ses ressources chaque trimestre.
La communication de la part des pouvoirs publics a-t-elle été déficiente ? L'intégration des nouvelles technologies aurait-elle pu constituer une solution ?
Il est particulièrement difficile de répondre à cette question. Il n'est pas simple de mesurer les obstacles que rencontrent les populations à faible niveau de vie pour faire valoir leurs droits. L'utilisation d'applications sur les téléphones portables est aussi une piste à creuser.
Visiblement, l'État a été l'origine d'un certain nombre de fautes de gestion, dont le montant dépasse en réalité celui imputable aux fraudes, qui ont contribué à la mauvaise image du dispositif. Était-il véritablement trop complexe à mettre en œuvre ?
Un dispositif de soutien au niveau de vie des ménages est nécessairement complexe. Il doit tenir compte de toutes les ressources de tous les membres du ménage ; il doit aussi tenir compte de la composition du ménage. Il faut prendre en compte les revenus antérieurs mais aussi pouvoir en partie les neutraliser en l'absence de revenus de remplacement. L'instabilité des revenus est parfois choisie comme au cas des travailleurs saisonniers. Il est donc un peu facile de dire que le RSA est trop complexe.
Le gouvernement réfléchit à une refonte de ce RSA activité. Quels aspects vous semblent importants à préserver ? Ou bien à quoi pourrait ressembler un dispositif partageant les mêmes objectifs mais pas les défauts ?
Le gouvernement, dans cette affaire, est un peu piégé. Il ne peut pas faire marche arrière. Ce serait priver ceux qui, actuellement, bénéficient du RSA activité d'un complément de revenu appréciable. De l'autre côté, on ne peut pas se satisfaire d'une telle situation massive de non recours aux droits sociaux. À court terme, le gouvernement ne devrait pas s'interdire de relever le montant du RSA socle. Il faut aussi continuer à promouvoir le RSA activité. À moyen terme, il faut rediscuter du rôle des différents éléments de notre système de prélèvements obligatoires et de transferts sociaux. On a reproché, à juste titre, à la prime pour l'emploi son décalage de plus d'un an entre le constat de pauvreté laborieuse et le versement du crédit d'impôt. Les minima sociaux devraient être réservés à des situations qui résultent d'aléas sociaux défavorables. Il faudrait mieux assurer la progressivité des prélèvements obligatoires dans la zone des bas revenus. Il y aurait là deux pistes. D'un côté, on pourrait revoir la taxe d'habitation qui pèse lourd dans le budget des ménages modestes. De l'autre côté, à la faveur d'un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, on pourrait mettre en place un système de crédit d'impôt général.
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