On comprend donc qu’aucune des parties prenantes ne soit encore prête à clore la question de la candidature turque à l’Union européenne, d’autant moins que les relations sont d’ores et déjà très difficiles. Les négociateurs européens qui sont au cœur de ces relations préfèrent pratiquer les « ambiguïtés constructives » (on fait l’impasse sur ce qui divise et privilégie les questions d’intérêt commun afin d’avancer et d’élargir progressivement la plateforme de coopération). Il reste que ces ambiguïtés sont de moins en moins constructives.
En cas de victoire d’Erdogan au référendum, prendra-t-il la responsabilité d’une rupture des négociations ? Le rétablissement de la peine de mort, maintes fois évoqué depuis juillet 2016, y conduirait automatiquement. Il faudrait alors remettre à plat la relation turco-européenne et l’améliorer dans les champs de coopération correspondant aux intérêts communs, qui ne mettent pas immédiatement en jeu les valeurs et les normes : économie, commerce, circulation des capitaux, migration, voire la question des visas pour les patrons et cadres engagés dans les relations commerciales turco-européennes.
Concrètement, l’exercice consisterait à améliorer et renforcer l’Union douanière et l’Union énergétique. Par ailleurs, les Etats membres de l’Union européenne qui appartiennent également à l’OTAN demeureraient les alliés des Turcs. On ne saurait donc se contenter d’assurer plus de fluidité dans les relations économiques. C’est à un partenariat de haut niveau qu’il faudrait œuvrer. L’Union européenne a déjà signé des « partenariats stratégiques » avec un certain nombre de pays, mais l’expression est souvent trompeuse. « Stratégique » est ici synonyme d’« important » et n’a pas véritablement de valeur politique, diplomatique et militaire. Dans le cas de la Turquie, ce serait un partenariat spécifique, à forte teneur stratégique (au sens fort) et géopolitique : en somme, un « partenariat géopolitique UE-Turquie ». La négociation, antérieure ou en parallèle, d’un ambitieux « partenariat continental » avec le Royaume-Uni pourrait ouvrir la voie à ce nouveau type de relations politiques, sécuritaires et économiques. Du fait du « Brexit », les représentants de la Turquie ne pourraient plus expliquer que leur non-entrée dans l’Union européenne relève d’une discrimination de type ethnico-culturel. Plus encore si Ankara est à l’origine de la rupture des négociations. Mais ne faisons pas non plus de ce « partenariat géopolitique » une martingale : sa possibilité et son contenu dépendraient des circonstances de la rupture et de ce que voudrait la Turquie dans un contexte renouvelé. Nul doute que nous nous heurtions aussi à des contradictions (voir la réponse à la deuxième question). In fine, doit-on faire prévaloir les intérêts sur la morale ? Cela dépend : il serait irréaliste de faire l’impasse sur la morale commune et les principes qui nous fondent en propre. On peut transiger, tenir compte des circonstances et pratiquer des doubles standards, mais jusqu’à un certain point seulement.
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