Les années quinze troublent les historiens parce qu’elles sont souvent annonciatrices de grands changements, beaucoup plus marqués que le passage d'un siècle à l'autre. Ainsi la mort de Louis XIV en 1715 a préfacé l'entrée dans le siècle des Lumières. 1815, avec la chute de Napoléon a signifié l'avènement de l'ère industrielle. 1915, en pleine guerre mondiale, a modifié la face du monde. 2015 apparaît déjà comme une année charnière, avec le terrorisme djihadiste, la montée des populismes et les craquements dans la construction européenne.
Déjà certains y voient l'amorce de grandes ruptures pour l’avenir qui seront précipitées par le développement fulgurant des technologies, la fragilité des systèmes financiers, les à-coups de l'économie, sans parler des hoquets du climat.
La morosité étreint aujourd'hui les prévisionnistes. On est loin de l’optimisme affiché il y a un an, lorsque l’on attendait les bienfaits que devaient apporter la baisse du pétrole et de l’euro avec la bénédiction des banques centrales qui faisaient fonctionner généreusement la planche à billets. Aujourd'hui, les bienfaits de l'alignement des planètes paraissent épuisés et c'est la grande incertitude qui prévaut sur l'évolution de la conjoncture ; si l'on excepte l'optimisme d'Angela Merkel, qui voit dans l'accueil d'un million de réfugiés Outre-Rhin un relais positif pour entretenir une croissance en voie d’essoufflement, la plupart des dirigeants font preuve d'une grande prudence. Christine Lagarde, la directrice du Fonds Monétaire International, souligne combien la croissance devient inégale et souvent décevante. Bénéfique pour les nations développées, la chute des cours du pétrole et des matières premières met dans de graves difficultés une partie du monde émergent, qui représente pourtant les trois quarts de la croissance mondiale et même l'Arabie saoudite est contrainte de recourir à un plan d’austérité. C'est un débouché des produits industriels qui se réduit, quand il ne se ferme pas. La Chine connaît un ralentissement profond, le Brésil est en crise, la Russie en récession. Seule l'Inde échappe pour l'instant à la contagion. De leur côté les Etats-Unis connaissent la fin d’un cycle d'expansion. L'Europe résiste mieux pour l'instant, grâce à l'Allemagne, mais elle va commencer à adopter un train de sénateur.
Dans ce contexte, l'économie française risque de faire grise mine. Car le souffle bienfaisant de l'extérieur ne se fera plus sentir et elle devra compter avant tout sur elle-même. Enfermée dans son corset de rigidités, elle n'a que très partiellement profité de la baisse de l'euro qui a perdu 30% par rapport au dollar, Le contraste est saisissant avec l’Allemagne qui a dégagé cette année un excédent commercial de 250 milliards alors que la France a connu un déficit de 40 milliards.
Après les élections régionales, rien ne sera plus comme avant, ont assuré tous en chœur les hommes politiques. Pour la cinquième année, le chef de l’Etat va réaffirmer son obsession de gagner la lutte contre le chômage, alors que celui-ci a encore augmenté en 2015 et que les conditions d’une amélioration de l’emploi seront moins bonne cette année en raison du climat international, si l’on n’engage pas les réformes indispensables. Les débats sur la déchéance de la nationalité, les multiples couacs fiscaux qui ont conduit le Conseil constitutionnel à faire le juge de paix, témoignent à l’évidence de la difficulté d’agir dans un monde politique sans boussole. Tout se passe comme si les partis n’avaient plus qu'une obsession : la présidentielle de 2017. D'ici là c'est donc le statu quo qui va perdurer et comme le climat des affaires dépend de celui qui règne au Parlement, les chefs d'entreprise vont expédier les affaires courantes. C'est dire que deux années vont s'ajouter à celles qui ont déjà été perdues pour le redressement du pays.
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