Atlantico : Suite à la tuerie de masse ayant eu lieu ce dimanche 5 novembre dans une église du Texas, à Sutherland Springs, Donald Trump a déclaré que "les armes ne sont pas le problème". Comment expliquer cette déclaration ?
Alain Bauer : Il s'agit de la même ligne de défense que l'industrie du tabac, ou de l'industrie automobile, qui consiste à dire que le problème, ce n'est pas le tabac, ou l'automobile, mais le fumeur ou le conducteur. C'est un classique de la défense des grands groupes d'intérêts américains pour éviter les amendes au civil et les procès au pénal. Il n'y a ici rien de nouveau ; ils ont toujours utilisé ce processus qui est cohérent avec des processus moraux de la droite chrétienne basée sur la responsabilité personnelle ; "la question n'est pas les armes mais ceux qui tirent".
Seuls des non américains peuvent ne pas comprendre ce qu'exprime Donald Trump. Par contre, pour son électorat et pour ce qui est le cœur de l'Amérique, c'est un langage archi-connu. Le mode d'expression de Donald Trump est donc cohérent avec l'électorat américain.
Ensuite, dans les pays ou les armes sont très réglementées, il y a quand même des assassinats, et notamment en France. Cela n'empêche pas les assassins d'assassiner, des terroristes de terroriser, et que les gens puissent se procurer des armes. Il faut penser que la réglementation ne répond pas à l'intégralité du problème que pose les armes car il est toujours possible de s'en procurer. Cela est plus ou moins facile et plus ou moins cher, mais cela reste possible. Cependant lorsqu'on se pose la question de savoir s'il y a plus de crimes là où il y a plus d'armes, la réponse est oui. Mais dans les endroits où il y a moins d'armes, il y a juste "moins de crimes" et non 0 crime. Cela est valable en Grande Bretagne ou en France. Le débat qui existe est celui de l'équilibre de la terreur, c’est-à-dire de savoir s'il faut qu'il y ait des armes pour faire peur à ceux qui ont des armes. Il s'agit du principe de la dissuasion qu'il est extrêmement compliqué de théoriser. Mais les études que j'avais pu faire sur l'Amérique, la violence et le crime démontraient que plus il y avait d'armes, plus il y avait de morts, d'homicides, de suicides et de peines de mort, et inversement. Il y a donc bien un effet sur la réglementation des armes.
2 tiers des tués par armes à feu aux États Unis le sont par suicide. De son côté, la France connaît un taux de suicide supérieur à celui des États Unis, la pendaison étant la "méthode" la plus répandue. N'y a-t-il pas un leurre avec les chiffres concernant les armes aux États Unis ?
C'est exactement la nature du problème et de la réalité de la difficulté d'interpréter de manière cohérente et scientifique la question de l'armement par rapport à la mortalité.
Les politiques de restriction mises en place en Australie et Grande Bretagne sont régulièrement citées en exemple pour la lutte contre les armes. Que peut-on apprendre de ces exemples et quelles en sont les limites ?
D'abord que le contrôle social est beaucoup plus important et que la logique "conquête de l'ouest" est moins présente dans ces pays. En contrepartie, il y a de la violence en Australie et en Grande Bretagne mais le contrôle social est beaucoup plus structuré et plus efficace, mais qui n'ont pas empêché d'avoir les événements "hooligans" qui ont marqué les esprits en Grande Bretagne, les violences structurelles et des attentats. Mais en quantités globales et en proportions, la situation de la Grande Bretagne, de l'Australie ou de la France est bien meilleure.
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