Dans un bled paumé du désert de l’Arizona, tout près de la frontière mexicaine, un vieux cow-boy solitaire passe le temps comme il peut. Il s’appelle Lucky. Il a environ 90 ans. En scrutant son visage, très structuré mais assez raviné quand même, on peut supposer qu’il a beaucoup vécu, et même, fait ou assisté à des trucs assez insensés. Mais, à dire vrai, on n’en saura rien. Lucky est un taiseux. Sauf quand il refait le monde avec ses vieux copains, dans le seul bistrot du patelin, où il commande immanquablement la même chose et fume sa clope.
Sinon, il accomplit chaque matin les mêmes gestes, fait des mots croisés, se vautre devant la télé, sort à la même heure de chez lui et scrute l’horizon sans espoir de le voir changer. Jusqu’au jour où il tombe dans les pommes, sans raison apparente… C’est comme si la camarde se rappelait à son bon souvenir… Les choses vont un peu bouger. Lucky comprend qu’il est au bout de son chemin. Ses réflexions sur la vie et la mort vont alors se poétiser…
C‘est beau, simple, tendre, cocasse, drôle aussi, par moments, et d’un bout à l’autre magnifique.
POINTS FORTS
- Il n’y a pas beaucoup de comédiens sur lesquels on se risque à bâtir un film. Avec son air de pas y toucher, Harry Dean Stanton, décédé peu de temps après le tournage de ce Lucky, étaient de ceux là. Et pourtant, cet acteur, au jeu minimaliste, avait eu une drôle de carrière, puisque, depuis Paris Texas, Palme d’Or à Cannes 1984, où Wim Wenders lui avait demandé de tenir le haut de l’affiche, il n’avait joué ensuite que des seconds rôles, deux cents environ dont Christine, Sailor et Lula, La Ligne verte et Las Vegas Parano. Le flegmatique Harry Dean n’était pas tellement du genre à se battre pour décrocher les timbales.
- C’est donc cet homme solitaire, pince sans rire, philosophe et tellement revenu de tout qu’il était devenu, qui a inspiré Logan Sparks et Drago Sumonja, les deux scénaristes de ce film si singulier. On loue le culot et le savoir-faire de ce tandem d’écrivains car il a réussi à rendre passionnant le portrait de ce vieux monsieur qui essaie de vivre les derniers mois de sa vie, avec une nonchalante ironie et une sage cocasserie,.
- Il faut dire que Harry Dean Stanton a une photogénie de tous les diables. Quand il est dans le « champ », son visage vaut plein de longs discours. Y affleurent la vie, ses joies, ses pépins et ses désillusions. C’est assez fascinant.
- Dans ce Lucky, en dehors de H.D. Stanton, il y a d’autres acteurs, qui eux aussi ont des trucs à dire et à montrer. David Lynch, notamment, qui réussit à être aussi drôle qu’émouvant avec son histoire de tortue qui, malgré son train de sénateur, parvient à s’enfuir de chez lui.
- Et puis, il y a aussi les paysages somptueux qu’offre la montagne désertique alentour. On a beau l’avoir vu dans des dizaines de westerns, ce décor naturel magnétise toujours autant le regard.
- Et tout cela, filmé avec une belle simplicité par un réalisateur dont la maitrise estomaque, puisqu’il s’agit de son premier film.
POINTS FAIBLES
Que ceux qui aiment les films d’action ou à rebondissements, passent leur chemin. Lucky est un film contemplatif, le portrait d’un homme au crépuscule de sa vie. C’est ce qui en fait sa singularité et sa beauté.
EN DEUX MOTS
Il est difficile de garder les yeux secs face à ce film dans lequel, entre drôlerie et émotion, un acteur, devenu de légende, effectue, magnifiquement, son dernier tour de piste à l’écran.
En plus, sur le plan filmique et scénaristique, Lucky est un petit bijou comme sait parfois en produire le cinéma américain indépendant. Lucky a été tourné en 18 jours avec un budget minimal et c’est un grand film. Un film mémorable.
UN EXTRAIT
« L’histoire a été totalement pensée pour Harry Dean (Stanton) dans le personnage de Lucky. Le scénario a été écrit comme une sorte de lettre d’amour pour l’acteur et pour l’homme. Le film s’inspire beaucoup de la vie de Harry, de sa personnalité, de ses anecdotes. En ce sens, il est quasi biographique. Logan Sparks, le co-scénariste du film, est un vieil ami de Harry, donc l’inspiration est venue de là aussi ». (John Carroll Lynch, réalisateur).
LE RÉALISATEUR
Né le 1er août 1963 dans le Colorado, John Carroll Lynch est un acteur et réalisateur américain. En 1996, alors qu’il est encore membre de la Guthrie Theater Acting Company à Minneapolis, il décroche son premier rôle au cinéma dans Fargo des frères Coen, aux côtés de Frances McDormand.
Depuis, son physique imposant lui vaut d’interpréter souvent des rôles inquiétants, à l’image de ceux dans Zodiac de David Fincher (2007), Shutter Island de Martin Scorcese ( 2010), Gothika de Mathieu Kassovitz ( 2003) ou American Horror Story de Brad Falchuk, une série télévisée.
Avec 55 films à son actif, ce comédien, qu’on verra bientôt dans Anything de Timothy McNeil, peut aujourd’hui se targuer d’avoir travaillé avec la crème des réalisateurs américains, dont, en plus de ceux déjà cités, Clint Eastwood, Pablo Larrain, Albert Brooks et bien d’autres encore.
Le cinéma n’empêche J.C. Lynch ni de se produire dans de nombreuses séries américaines, ni de monter sur les planches.
Lucky, dont il n’a pas écrit le scénario, est son premier long métrage.
ET AUSSI
- 1 « MARIA BY CALLAS » de Tom Volf -
Elle avait eu une vie de légende, ponctuée de succès phénoménaux, de désillusions monumentales, d’amours passionnés et de ruptures déchirantes. Chez Maria Callas, tout appelait le superlatif : sa beauté, ténébreuse et solaire ; sa voix, vertigineuse ,dans les graves comme dans les aigus, toujours à la limite de la rupture ; son art, qui la dévorait ; sa vie de femme à laquelle elle se brûlait ; ses chagrins aussi, qui la laissaient pantelante. Il y avait en elle, et quoi qu’elle fit, quelque chose de l’ordre du sur-naturel.
Il y a quarante ans que la cantatrice gréco-américaine, qui fut et reste la plus grande diva du monde, a disparu. Ce très beau et très riche documentaire signé de l’ultra doué Tom Volf (photographe, réalisateur, auteur, producteur, etc…) lui rend hommage à la mesure de son extraordinaire complexité. La diva assoluta s’y livre en toute sincérité, avec la pudeur, la retenue, l’élégance, la vulnérabilité et l’intelligence qui étaient les siennes. Elle y chante aussi bien sûr, miraculeuse, inégalée, irremplaçable. C’est Fanny Ardant qui lit ses lettres et des extraits de ses mémoires. 1h53 d’enchantement et d’émotion. A condition d’aimer les mythes et l’opéra.
RECOMMANDATION : EXCELLENT
- 2 « LA DEUXIÈME ETOILE » DE LUCIEN JEAN-BAPTISTE -
Huit ans après La Première Etoile, Jean-Gabriel (Lucien Jean-Baptiste) retourne à la neige. Cette fois, pour y passer Noël avec sa petite famille au grand complet : sa femme (Anne Consigny), ses enfants (désormais quatre), sa mère (Firmine Richard, désopilante), et son beau-père (Roland Giraud, irrésistible en Papy fait de la Résistance). Embrouilles avec des malfrats de pacotille, engueulades avec des voisins mal embouchés, dérapages incontrôlés, sans compter le petit cochon de Noël qui va se faire la malle… Evidemment ça ne va pas se passer tout schuss. Si le premier volet de ces vacances à la neige tenait de la comédie italienne, celui-ci relève du cartoon. Tout n’est pas tout le temps réussi ou abouti. Mais on rit de bon cœur (jamais aux dépens des autres, ça fait du bien !) et la tendresse court tout au long de cette comédie, à voir, on l’a compris, en famille..
RECOMMANDATION : BON
- 3 « LES GARDIENNES » DE XAVIER BEAUVOIS -
Nous sommes en 1915. C’est la première guerre mondiale. Les hommes sont partis au front. Dans les campagnes, ce sont les femmes qui assurent la survie des exploitations agricoles: labourage, semailles, moissons, etc.. Inspiré d’un roman éponyme d’Ernest Perochon, Les Gardiennes mettent en scène deux de ces femmes dans une ferme de la Creuse, une mère (Nathalie Baye) et sa fille (Laura Smet), bientôt rejointes, pour leur prêter main forte, par une servante (Iris Bry, nouvelle venue dans la famille cinéma).
Avec ce film, naturaliste, très beau sur le plan formel (on se croit par moments dans des toiles de Millet), le septième de sa carrière de cinéaste, Xavier Beauvois a voulu tirer son chapeau à toutes ces femmes qui se sont sacrifiées dans l’anonymat et le silence.
Si on s’ennuie un peu lors des reconstitutions, peut être trop minutieuses, des travaux des champs (ah, le geste auguste du semeur, dupliqué à l’envie !), en revanche, on est fasciné par le jeu d’Iris Bray. A la fois mobile et incandescent. A noter, aussi, la très belle lumière de Caroline Champetier.
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Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.
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