Pour une fois, je pense que le récent article de l’Expansion consacré à la question est un peu méchant : ce dernier estime ainsi que Hollande a subi un échec complet puisque les mesures prises dans la construction n’ont pas permis de la relancer. On note en effet une baisse en volume de 4.2% des mises en chantiers de logements neufs, sachant qu’en plus, l’année 2012 avait été assez médiocre.
Bref : on s’enfonce, là aussi, dans la crise, et de ce point de vue, le candidat Hollande qui s’engageait alors à relancer le secteur doit maintenant se faire oublier du président Hollande qui ne peut que constater, c’est vrai, un ratatinement persistant.
Encore une histoire de courbe qui ne s’inverse pas, c’est pénible, cette réalité qui refuse de plier aux injonctions du socialisme triomphant et des lendemains qui sifflotent en douce…
Cependant, je mâtinerais un peu l’analyse de l’Expansion, et ce, de deux façons.
D’une part, même si l’objectif affiché était de produire tant et plus de nouveaux logements, l’idée de base qu’il manquerait cruellement de biens à vendre et à louer en France est une erreur. Il y a, de façon criante, de multiples problèmes liés au logement, mais ce n’est pas la quantité qui pose le principal problème. En effet, l’accession à la propriété ou à la location est conditionnée à une myriade de paramètres dont une bonne partie est directement dépendante des politiques gouvernementales en la matière. Par exemple, les facilités offertes pour les prêts à taux zéro, les facilités plus ou moins grandes pour bénéficier des APL, ainsi que les lois ultra-protectrices pour les locataires déjà en place forment autant de distorsions dans un marché qui n’est plus libre, loin s’en faut. Ces interventions étatiques pour « orienter » les acheteurs ou les vendeurs, protéger les locataires et loger un maximum de monde à grands coups de restrictions sur les propriétaires, sont directement responsables des hausses importantes des prix de l’immobilier sur les 10 dernières années. Ce sont aussi les politiques gouvernementales (vertes ou non) qui ont façonné les villes et leurs transports en commun, favorisant directement certains biens, certaines localités au détriment d’autres.
Comme bien souvent, l’État et les milliers de petites décisions locales d’élus divers et variés ont modifié les comportements des acteurs de ce marché pour en arriver à la situation ubuesque actuelle où des gens s’endettent sur trente ans pour des pavillons en carton et placoplâtre dans des villes dortoirs éloignées des centres économiques, totalement dépendantes de transports en commun lourdement subventionnés dont la qualité de fonctionnement s’écroule au moindre frémissement gréviste. Bilan : entre ceux qui, voyant les prix augmenter, décident de s’investir dans l’immobilier, et ceux qui, propriétaires, prennent foultitude de précautions pour éviter de louer à des impécunieux, l’allocation de capital dans l’immobilier devient de plus en plus délicate. Pour le dire clairement, le marché est devenu opaque et complètement dépendant des bidouillages étatiques pour le maintenir en vie à force de perfusion publique.
L’évidence est là : il n’y a pas pénurie de biens, il y a simplement un écran de plus en plus épais entre les acheteurs et les vendeurs, entre les propriétaires et les locataires, écran constitué par les législations d’un côté et le calcul de risque de l’autre, écran qui opacifie les transactions et rend toute vision à long terme impossible à former. Et dès que la conjoncture se fait moins favorable, les uns et les autres retirent leurs billes, attentistes.
C’est justement ce qui se passe actuellement avec une baisse des prix notée un peu partout en France : avec une anticipation de 3% à l’année, on sent qu’un retournement de tendance se met en place. Les analyses de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF), présentées dans l’article du Monde, sont d’ailleurs corroborées par d’autres analystes comme Nomura, qui arrivent toutes à la conclusion d’une baisse globale des prix de l’immobilier.
Or, cette baisse, pour François Hollande, tombe à pic : certes, le nombre de logements construit n’a pas atteint le niveau qu’il avait lui-même fixé quand il était candidat, et certes, il s’est banané. Mais au moins peut-on ici se réjouir que des centaines ou des milliers d’investisseurs ou de futurs propriétaires se soient, de fait, retenus ou aient attendu une meilleure conjoncture pour se lancer dans la construction. Si les prix baissent, c’est manifestement qu’un ajustement est en cours et qu’il est urgent de ne pas se précipiter à construire de nouveaux biens dont on ne sait pas combien on pourra les vendre… Autrement dit, en loupant son objectif, Hollande a aussi, involontairement, évité une catastrophe de plus pour quelques milliers de Français.
D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que si l’objectif d’une reprise du secteur avait été signifié par Hollande, et même dans le contexte où le cap était Le Changement, Maintenant (ce qui aboutit parfois à des ronds dans l’eau), la partie active de l’opération avait été déléguée, dès le départ, à Cécile Duflot dont l’actuel silence est symptomatique.
Eh oui : c’est surtout un échec assez flagrant de Cécile Duflot qui aura réussi, en un an et demi, à pondre une loi rocambolesque et illisible, la faire appliquer n’importe comment, engendrer des effets néfastes et aboutir à cet échec évident.
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