Atlantico : Une étude menée sur près de deux mille Anglais et présentée par le Daily Mail estime que les hommes sont bien plus commères, et présente la statistique suivante : un secret confié à un homme est gardé 2h47, tandis qu'un secret confié à une femme restera secret 3h30. Contrairement aux idées reçues, les hommes seraient-ils plus pipelettes que les femmes ?
Claude Giraud : La question que pose, l’enquête dont fait écho le Daily mail est celle du genre éventuel du secret. Existe-t-il des pratiques de secret qui seraient différentes selon les genres ? Oui si l’on tient compte de l’actuelle répartition des positions occupées dans l’espace social, sachant que les hommes ont plus de chances d’accéder à des positions et fonctions auxquelles sont associées des informations pertinentes.
Non, si l’on présuppose que le genre induirait des façons d’être fondamentalement différentes. Le secret étant une pratique sociale, c’est en tant que telle qu’elle interroge le rapport au genre. Lorsque les femmes occupent des positions de pouvoir, les pratiques de secret tendent à être comparables à celles des hommes.
L'étude juge que si les hommes sont aujourd'hui les plus grosses commères, devant les femmes, c'est parce qu'ils n'ont plus besoin d'attendre d'aller au pub pour s'épandre en confessions avec leurs amis, grâce aux réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont-ils modifié notre conception du secret et de la discrétion ? Si oui, comment ?
La question du secret demeure quant à elle centrale, car elle ne se réduit pas à une simple maîtrise de l’information et à une participation à des rapports de pouvoir. Le secret est en effet, un mode de relation paradoxal, à la fois césure, coupure, mise à distance et également, mise en scène, alliances, initiation. Ce mode de relation paradoxal fait d’alliances sélectives et d’exclusions serait bousculé par une communication de masse rendant le secret sinon impossible du moins difficile à maintenir. Encore faudrait-il qu’une absence d’information soit qualifiée en tant que telle de secret et que soit associé à ce terme celui de danger, de risque potentiel, pour que d’autres cherchent à accéder à cette information, à la qualifier de secret et à s’en emparer. Le jeu tourne alors autour du dévoilement dont le rapport à la connaissance, versus vérité, n’est pas principal. Le secret fascine car on présuppose un mystère et c’est bien à propos de quelque chose de caché que se joue la révélation.
Les secrets sont-ils moins bien gardés à l'heure de la communication de masse ?
Le secret est un invariant des relations sociales, seuls les objets du secret changent. Il est une pratique qui se justifie par les limites de relations fondées sur la supposée vertu de la transparence. Le souci de soi devant être autant préservé que l’accès à des informations nécessaires à des processus décisionnels démocratiques. La dynamique du secret tient à l’esthétique, c’est-à dire à la forme, des relations autant qu’à une représentation des risques, ce qui explique pour une part, les variations autour des objets acceptables du secret. L’indifférence comme capacité sociale à s’abstraire, à ignorer des informations non pertinentes préserve le lien fondé sur le secret. Les techniques ne mettent pas fin à des pratiques aussi importantes que celle du secret. Elles distribuent différemment les contraintes et les risques s’y rapportant.
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