Justement, comment est abordée la question de l'enseignement de l'informatique par les décideurs politiques ?
Rémi Boulle : Malheureusement, les récents débats parlementaires sur le projet de loi de refondation de l'école montre que nous régressons: l'amendement 118 qui visait à introduire un enseignement de l'informatique a été rejeté au motif que les programmes étaient déjà trop chargés. Certes mais en 2013 à l'heure où l'informatique occupe une place centrale dans la société, c'est une position que n'est plus tenable, il aurait suffi de l'enseigner dans le cadre des cours de technologie.
Sauf coup de théâtre à l'assemblée, l'école risque fort de continuer à enseigner aux élèves comment utiliser des outils créées par d'autres et qu'ils ne seront que difficilement en mesure de créer eux-mêmes ! A-t-on besoin de cela dans le contexte économique actuel ?
Quels langages informatiques peuvent être enseignés en priorité aux élèves selon les niveaux et quelles sont leurs spécificités ?
Jean-Pierre Archambault: Nous avons parlé de Logo à l'école primaire. Un manuel scolaire destiné aux lycéens d'ISN a été édité l'année dernière par les éditions Eyrolles. Cet ouvrage a été publié avec le concours de l'EPI, la SIF et l'INRIA. Les programmes sont écrits en Java. Une version de ce manuel va être publiée pour la rentrée 2013 avec les programmes écrits en Python. L'important est que le langage choisi contienne les "grandes" instructions : la déclaration, l'affectation, la séquence, le test et la boucle ; les types de base ; les fonctions. Il existe de nombreux langages. Il faut en choisir un bien adapté à des objectifs pédagogiques, en évitant soigneusement la « guerre de religion » qui, comme l'expérience le prouve, n'est jamais bien loin. Et l'important c'est aussi ce qu'il y a en amont de la programmation : la compréhension du problème à résoudre, la conception du bon algorithme, son expression en langage naturel.
Rémi Boulle : Il n'y a pas seulement les langages. Il faut comprendre comment fonctionne un réseau, ce qu'est un format de fichier, utiliser un traitement de texte de façon structurée, le web, quels sont les enjeux citoyens de la neutralité des réseaux, comment fonctionne une machine, qu'est-ce qu'un algorithme... Comme dit, un prérequis est l'utilisation massive de logiciels et ressources libres qui ne peut que libérer les pratiques pédagogiques et l'innovation.
Je signale à ce propos une initiative très intéressante. L'IUT de Blagnac propose en partenariat avec "Upstream University" à ses étudiants de participer à un projet de développement de logiciel libre (OpenStack de mémoire). Leur parcours n'est validé que si leur code est « comité Upstream » c'est à dire si leur code informatique est intégré dans celui du projet. Pour cela les étudiants doivent bien sûr savoir coder mais aussi avec des notions sur les licences libres, le travail collaboratif et beaucoup d'autres connaissances connexes qu'ils devraient posséder au sortir du Lycée... Nous avons là ce qui est attendu après le baccalauréat, à nous de faire en sorte en amont que cela soit possible et accessible à qui le souhaite dès maintenant.
Propos recueillis par Benjamin Weil
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