Atlantico : Lors de l'angélus de dimanche, place Saint-Pierre, Benoît XVI a déclaré que « des millions de personnes sont concernées par le phénomène des migrations, mais ce ne sont pas des numéros. Ce sont des hommes et des femmes, des enfants, des jeunes et des personnes âgées qui cherchent un lieu où vivre en paix ». Comment interpréter cette phrase du Pape ? Qu'a-t-il voulu dire précisément ?
Ce que les encycliques sociales ne cessent de dire depuis trente ans au moins : que la société est faite pour la personne, non la personne pour la société. Ni a fortiori pour le système économique ! C'est selon ce principe aujourd'hui que Benoît XVI, le cardinal Turkson (Justice & Paix), le cardinal Vingt-Trois à Paris, Mgr Léonard à Bruxelles, etc, critiquent le néolibéralisme et le capitalisme financier... Rien d'étonnant à ce que le pape applique aussi ce principe aux migrants. Il le fait avec autant de netteté que son prédécesseur Jean-Paul II, et à peu près dans les mêmes termes.
En effet l'Eglise catholique parle beaucoup du problème des migrations, toujours pour enfoncer le même clou :
- a) Les gouvernements des pays d'accueil ont le droit de réguler les flux migratoires, bien entendu ;
- b) Mais ils ont le devoir de traiter les immigrants, même clandestins, comme des êtres humains, notamment quand ils sont chargés de famille. C'est ce que dit le cardinal Vingt-Trois dans son livre de 2012, Quelle société voulons-nous ?
A qui s'adresse Benoît XVI en s'exprimant ainsi ? Aux dirigeants européens ?
Aux dirigeants bien entendu, encore que l'on sache avec quelle distraction ceux-ci écoutent le pape. Mais, à mon avis, Benoît XVI s'adresse en priorité aux catholiques d'Europe ! Car il y a un problème. Quand il s'agit de l'économie ou de l'immigration, une partie de ces catholiques restent sourds à ce que dit l'Eglise. Certains se fabriquent même un "catholicisme" bien à eux, justifiant le rejet d'autrui au nom des "racines chrétiennes de l'identité nationale"... L'Eglise est inquiète de cette dérive de milieux catholiques, notamment en France où le problème préoccupe les évêques ces temps-ci. D'où la fermeté de la parole du pape.
Avec la crise, le Saint-Siège avait formulé ses idées de réforme du système financier international, en proposant notamment la mise en place d'une "autorité publique à compétence universelle". Le Pape s'attaque désormais à la question sensible de l'immigration. Fait-il de la politique ou se contente-t'il d'exprimer la doctrine sociale de l’Église ?
La doctrine sociale de l'Eglise n'est pas un programme de parti : c'est une plateforme proposée par l'Eglise à tous, croyants ou non, sur la base de la condition humaine partagée. Or le politique fait partie de la condition humaine. Il est en charge de ce que les théologiens catholiques appellent "le bien commun", à l'échelon international autant que national. Quand le pape, puis le Conseil pontifical Justice & Paix, réclament que le politique reprenne le contrôle de l'économique et du financier, c'est une idée insurrectionnelle au bout de vingt ans de pensée unique néolibérale ! L'Eglise n'est pas la seule à formuler cette idée, mais elle y apporte une dimension que les "indignés" laïques ressentaient sans arriver à l'exprimer : tout ce qui écrase la personne est illégitime, qu'il s'agisse de maltraiter le salarié ou l'immigrant. Et il faut changer le système qui produit cette maltraitance, parce que c'est la logique de fonctionnement de ce système qui est perverse. Etudiez les textes sociaux des papes : ils martèlent ce message.
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