Atlantico : Politique économique, politique migratoire, le gouvernement allemand est régulièrement accusé de suivre de trop près les recommandations de son patronat. S'agit-il de purs fantasmes ? Quelle est la réalité de la situation ? Quelles en sont les conséquences politiques du point de vue européen ?
Nicolas Goetzmann : L'influence du patronat allemand pose déjà la question de l'influence allemande en Europe. Si à l'origine, le projet européen a été pensé à la dimension de la RFA, une nation parmi les autres en Europe, la réalité s'est construite autour d'une Allemagne réunifiée, dominante de par sa taille. Ce qui a modifié les contours du fonctionnement européen sur la base d'un pays qui en devenait le "leader" naturel. Sur un second niveau, il est alors nécessaire de regarder quels sont les groupes ayant le plus d'influence sur les différents gouvernements allemands.
Et ici, l'influence patronale allemande a bien permis de façonner un large plan de la politique intérieure allemande, ce qui a eu des conséquences sur toute l'Europe. Lorsque le gouvernement Schröder met en place le fameux agenda 2010, il va mener une grande politique de modération salariale avant de nommer Peter Hartz, Directeur des ressources humaines de Volkswagen, pour porter un ensemble de mesures visant à lutter contre le "chômage volontaire". La voix des entreprises est largement entendue, et celles-ci applaudissent. Cette trajectoire sera poursuivie tout au long des 15 années qui ont suivi. Cette orientation économique va avoir de lourdes conséquences sur les déséquilibres macroéconomiques européens. Concernant la crise des migrants, les organisations patronales allemandes ont depuis longtemps alarmé le gouvernement de la problématique découlant du déficit démographique du pays : ce qui se traduit pour elles par un important manque de main d'œuvre. Les appels à une large ouverture des frontières sont alors nombreux, dont celui du Président de la Fédération allemande de l'industrie, à la fin de l'année 2014. La fondation Bertelsmann estimait ainsi que le pays devait accueillir entre 271 000 et 491 000 immigrés non européens par année. S'il est abusif de considérer qu'il s'agit de la seule raison pour accueillir un grand nombre de migrants en 2015, la décision d'Angela Merkel n'en reste pas moins cohérente avec la volonté affichée par les grandes entreprises allemandes.
De par cette influence, ces organisations patronales ont bien une influence disproportionnée sur les politiques européennes. D'une part, la stratégie économique du continent permet de consolider la position avantageuse des entreprises allemandes sur l'ensemble européen. Et d'autre part, concernant la question des migrants, il n'est même pas question de juger du bien fondé de la décision d'Angela Merkel, mais simplement de pointer le manque de concertation européenne en amont de la décision prise. Parce qu'une tel choix a des conséquences pour tous ses partenaires.
Pour parachever le tout, le vide d'opposition en Europe, qui se caractérise principalement par l'absence de François Hollande sur la scène du pouvoir européen, laisse le champ libre à une telle orientation.
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