Atlantico : Lundi 24 octobre, quelques milliers de migrants installés dans la "Jungle" de Calais ont été évacués pour être répartis dans de nombreux camps d'accueil. Mais qu'en est-il réellement du nombre de migrants aujourd'hui ? Quels sont les types de migrations les plus importants en France ? Comment faire la part des choses entre les différentes catégories, entre ceux qui ne veulent pas déposer de demande d'asile en France, ceux qui pourront l'obtenir, ceux qui ne remplissent pas les conditions et / ou ceux qui sont des migrants économiques ?
Quelle est la proportion de personnes qui seront concernées par des procédures d'expulsion ?
Laurent Chalard : Les migrants de Calais, estimés jusqu’à 10 000 à leur maximum, ne constituent cependant qu’une part limitée des flux d’immigration sur le territoire français. En effet, ils ne représentent que 5 % des 200 000 entrées annuelles de manière légale en France, chiffres auxquels il faudrait probablement ajouter quelques dizaines de milliers d’entrées de manière illégale, dont font partie les personnes installées dans la "jungle" de Calais (rappelons que certains migrants sont présents depuis longtemps dans ce camp).
Aujourd’hui, le flux migratoire le plus important demeure lié à la procédure du regroupement familial, soit près de 90 000 personnes en 2015, devant les étudiants, près de 70 000 personnes pour la même année. Les flux liés aux "réfugiés" sont plus difficiles à comptabiliser car les statistiques légales ne comptabilisent que les personnes qui ont obtenu un permis de séjour (20 000 personnes en 2015). Cependant, étant donné le nombre de demandes d’asile déposées en France, 80 000 en 2015, un chiffre en augmentation constante depuis plusieurs années (il était de 47 000 en 2009), le volume d’entrées illégales annuelles de réfugiés pour 2015 doit s’approcher des entrées légales pour les étudiants ou le regroupement familial, sans qu’il soit possible de le chiffrer précisément, d’autant que certains "réfugiés", se considérant en transit sur notre territoire avant d’atteindre l’Angleterre, ne font pas de demandes d’asile en France et n’apparaissent donc pas dans les statistiques.
Quoi qu’il en soit, la grande majorité des demandeurs d’asile sont déboutés, moins d’un tiers des demandeurs l’obtenant chaque année, et sont donc potentiellement expulsables.
Jacques Barou : Les chiffres fiables sont ceux de 2015. Selon l'OFPRA, il y a eu cette année-là 80 075 demandes soit une hausse de 23% par rapport à l'année précédente. 74 468 étaient des premières demandes incluant les mineurs accompagnant et 5 607 des réexamens. L'OFPRA a pris 14 119 décisions d’accord contre 8 763 en 2014 soit une hausse de + 61%. Parmi ces personnes 2 822 ont obtenu une protection subsidiaire et ont donc un statut qui peut être révisé chaque année. Les différentes nationalités représentées donnent quelques pistes pour faire la part de ceux qui ont des chances d'avoir un statut de réfugiés et les autres. En 2015 les Soudanais venaient en tête avec 5 091 demandeurs d'asile devant les Syriens avec 3 403. ensuite venaient les originaires du Kosovo avec 3 139 personnes, ceux du Bengladesh avec 3 071 personnes, ceux d'Haïti avec 3 049 personnes.
Les ressortissants de pays en guerre comme la Syrie ont plus de chances d'être considérés comme de vrais demandeurs d'asile. Le cas du Soudan s'en rapproche un peu car il y a des provinces comme le Darfour qui connaissent aussi des situations de guerre civile même si le reste du pays est à peu près tranquille. On peut suspecter les ressortissants de pays très pauvres comme le Bengladesh ou Haïti d'être mus par des raisons plus économiques que politiques, de même pour le Kosovo et l'Albanie qui connaissent divers problèmes de liberté ou d'intolérance vis-à-vis de certaines minorités mais qui ont avant tout des taux de chômage très élevés. Les originaires de la RDC viennent d'un pays en proie à des violences perpétuelles mais assez rarement des zones de l'est où les conflits sont très présents. Leurs demandes sont souvent rejetées mais représentent d'année en année une constance avec entre 2 000 et 3 000 personnes concernées.
En 2016, la part des gens venus de pays en guerre : Syrie, Irak, Afghanistan sont plus nombreux qu'en 2014, ce qui peut expliquer la hausse de la délivrance des statuts de réfugiés. En principe les déboutés de l'asile sont tous expulsables mais peu sont expulsés. Les gens qui n'ont pas déposé de demandes d'asile ne sont bien sûr pas comptabilisés par l'OFPRA. On peut considérer que la majorité de ceux qui sont autour de Calais soit près de 30 000 personnes sont des gens qui ne veulent pas demander l'asile en France pour ne pas s'y trouver immobilisés le temps de la procédure car ils visent la Grande Bretagne où ils ont souvent de la famille et des compatriotes ainsi que des espoirs de travailler à défaut d'y obtenir l'asile qui n'est pas plus facile à avoir qu'en France.
Nos articles sont ouverts aux commentaires sur une période de 7 jours.
Face à certains abus et dérives, nous vous rappelons que cet espace a vocation à partager vos avis sur nos contenus et à débattre mais en aucun cas à proférer des propos calomnieux, violents ou injurieux. Nous vous rappelons également que nous modérons ces commentaires et que nous pouvons être amenés à bloquer les comptes qui contreviendraient de façon récurrente à nos conditions d'utilisation.
Depuis son lancement Atlantico avait fait le choix de laisser ouvert à tous la possibilité de commenter ses articles avec un système de modération a posteriori. Sous couvert d'anonymat, une minorité d'internautes a trop souvent détourné l’esprit constructif et respectueux de cet espace d’échanges. Suite aux nombreuses remarques de nos lecteurs, nous avons décidé de réserver les commentaires à notre communauté d’abonnés.