Atlantico : Selon vous, quels sont les causes de l'effondrement du PS, passant de sa forme gauche plurielle de 1997 à 43% des votes au score de Benoît Hamon à la présidentielle de 2017. Les électeurs ont-ils quitté la social-démocratie ou est-ce que c'est le PS, comme ses homologues des démocraties libérales, qui se méprend sur ce qu'est une social-démocratie ?
Christophe Pierrel : Cela remonte à très longtemps et il faut essayer de comprendre notre histoire. Je vais éviter 1983, même si le tournant de la rigueur a montré que le PS était mal à l'aise face aux réalités du pouvoir. De la même façon, nous n'avons pas réformé les institutions en 1981 alors que cela aurait été sans doute fondateur pour passer à autre chose que la Ve République, qui n'est pas adaptée à la gauche. C'est aussi ce que nous avons vu les 5 dernières années ; la gauche n'est pas faite pour ces institutions.
Nous sommes un parti qui a tendance à beaucoup discuter et que le dialogue avec les parlementaires et avec les élus nous tient à cœur, mais ce n'est pas le principe de la Ve République ; un homme, une direction. Ce sont deux raisons lointaines.
En 2002, lorsque nous perdons la présidentielle après 5 années de gouvernement Jospin, la cause est le sentiment d'insécurité qui était nié par son gouvernement alors que les Français le percevaient fortement. À ce moment-là, au lieu de se demander ce qu'il nous était arrivé, nous avons recommencé à affronter les élections locales qui s'enchainaient sans se poser la question du diagnostic des 5 années passées et de notre échec. Nous sommes passés à autre chose. Puis le traité constitutionnel de 2005 ou deux lignes politiques se sont affrontées au sein du parti alors qu'il y avait eu un référendum interne qui avait donné le "oui" gagnant. Nous continuons alors d'exister en tant que parti mais nous ne sommes plus d'accord sur grand-chose. Ceci principalement pour des questions de mandat. En 2007, personne ne se pose la question de la défaite autrement que d'en faire porter la responsabilité à Ségolène Royal, alors qu'en face, Nicolas Sarkozy avait fait une vraie bataille d'idées ; avec le "travailler plus pour gagner plus" ou le ministère de l'immigration. Il aurait dû y avoir une véritable confrontation idéologique que nous n'avons pas mené. Puis, en 2012, on fait semblant de ne pas comprendre que la ligne politique avait été fixée par François Hollande. En prenant l'ensemble des discours de François Hollande, il n'y a pas de surprise.
Et le discours du Bourget… ?
Je reconnais que la bataille sur la question de la finance n'a pas été menée dans le sens où je pense qu'il s'agit d'un défi de nature internationale, européenne, et qui ne peut être conduit sur le plan franco-français. Sur ce point, mais aussi sur la question européenne, nous n'avons pas non plus conduit le combat idéologique. Entre 2012 et 2017, beaucoup de technos fleurissent dans les cabinets, des énarques, des experts, des gens dont on ne peut pas dire s'ils sont de droite ou de gauche, et auprès du Président, des gens qui influent les lignes en lui disant qu'il ne faut pas trop parler de pauvreté, de questions d'assistance et qu'il faut mettre le curseur sur l'économie et en fait on ne fera plus que de l'économie. On ne parle plus des gens, on ne mène aucun combat d'idées, nous ne sommes plus un parti de classes populaires. Nous nous sommes éloignés des gens qui souffrent le plus en France. On se laisse même emporter par les thèses de droite et d'extrême droite, ce qui est particulièrement grave. Quand on a un premier ministre qui passe tout son été à parler du burkini, on a un parti qui a perdu sa ligne politique et idéologique. Mais de toute façon, lorsque vous mettez en place un premier ministre qui a fait 5% à une primaire, vous pouvez quand même imaginer que sa ligne politique n'est pas majoritaire au sein de la gauche.
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