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Pourquoi l’OLP et Mahmoud Abbas en sont arrivés à renoncer à la reconnaissance de l’Etat d’Israël
©ABBAS MOMANI / AFP

Fin des accords d'Oslo ?

Les membres du Conseil central palestinien, un organe clé de l'OLP, se sont prononcés lundi en faveur de la suspension de la reconnaissance de l'Etat d'Israël et de l'arrêt de la coopération sécuritaire en Cisjordanie avec l'Etat hébreu.

Alexandre Adler

Alexandre Adler

Alexandre Adler est historien et journaliste, spécialiste des relations internationales.

Il est l'auteur de Le monde est un enfant qui joue (Pluriel, 2011).

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Atlantico : Qu'est-ce qui explique ce changement de position de la part des Palestiniens ? Est-ce le signe d'un pouvoir qui se sent acculé ?

Alexandre Adler : Oui, c'est un peu le signe d'un pouvoir qui se sent acculé. Ce n'est pas facile aujourd'hui pour l'autorité palestinienne de se maintenir dans le combat fondamental qui oppose le régime saoudien, en tout cas le prince MBS et la confrérie des Frères musulmans qui s'est emparée du pouvoir à Ankara avec Erdogan et ses amis égyptiens qui l'ont rejoint. Cette bataille affecte aujourd'hui l'ensemble de la région et crée des difficultés supplémentaires - s'il en était besoin - aux dirigeants palestiniens. 
Ceci donne un peu l'impression d'un dormeur qui aurait de la fièvre et essaierait de lutter contre cela en changeant de position : un jour il se tourne dans un sens, un autre jour dans un autre sens... Et cela ne fait que refléter son désarroi. En réalité, les actuels dirigeants palestiniens, et en particulier Mahmoud Abbas, essayent de faire ce qu'ils peuvent : il a, courageusement, pris position pour l'Arabie Saoudite et dénonce les complots du Qatar et des Frères musulmans, ce qui est tout à fait à son honneur. Mais, évidemment, ce n'est pas si simple que cela, car il a aussi contre lui tous les partisans des Frères musulmans, et en particulier le Hamas, qui a été repris en main et envoyé au casse-pipe par les dirigeants du Qatar, comme d'habitude, dans le but de faire une offensive spectaculaire dirigée contre Israël. Et Netanyahou, avec bon sens, s'est efforcé de détourner, sans tomber dans le piège d'un nouvel affrontement. Mais évidemment, ce n'est pas lui seul qui peut décider de la question de savoir s'il y aura affrontement ou pas.
Au passage, il faut bien entendu que Mahmoud Abbas fasse apparaître le fait qu'il n'est pas l'allié d'Israël, qu'il n'est pas aux ordres. À cette fin, il a décidé de prendre une décision symbolique (la suspension de la reconnaissance de l'État d'Israël), étant donné que le gouvernement de Netanyahou ne tient aucun compte de son existence et ne lui laisse pas beaucoup de possibilités, bien qu'en réalité, il y ait un certain nombre de concessions qui sont faites tous les jours mais celle-ci ne sont pas visibles. Abbas prend donc une position symbolique, disant que l'OLP revient sur la reconnaissance de l'État d'Israël, qui avait été vaguement propagée au temps d'Arafat. Ça n'a aucune importance. Car bien entendu, les reconnaissances de l'État d'Israël n'empêchent nullement des actes hostiles et terroristes quotidiens. Par ailleurs, la non-reconnaissance n'empêche nullement les Israéliens et les dirigeants palestiniens de continuer à discuter et à essayer de gérer comme ils le peuvent une situation éminemment provisoire et affectée par l'extrême tension qui règne aujourd'hui dans la région, mais pas nécessairement dans l'autorité palestinienne.

À quelle réponse faut-il s'attendre de la part d'Israël ? 

Il ne faut s'attendre à aucune réponse. Les Israéliens n'ont pas l'intention de faire des concessions à l'OLP aujourd'hui et ce serait d'ailleurs une erreur. En même temps, les Israéliens ne veulent pas la mort de l'OLP, loin de là. Et ils s'efforcent, lorsqu'ils le peuvent, d'arranger un peu le coup à Mahmoud Abbas mais dans des limites, malgré tout, précises, et de qui, de toute façon, ne peuvent pas aboutir à une véritable négociation telle que celle qui a existé entre Arafat et les dirigeants travaillistes et qui a amené à l'explosion du parti travailliste.
Normalement, il ne devrait pas y avoir d'aggravation parce que tout simplement, Netanyahou, en concertation permanente avec Poutine, s'efforce de ne pas jeter de l'huile sur le feu. Et il n'y aura pas non plus de concessions importantes tant que Mahmoud Abbas sera en proie aux surenchères du Hamas, qui sont pour lui le problème essentiel.

La pression économique ou politique de l'ONU, de l'Egypte, et surtout des Etats-Unis, pour que cessent les violences au sein des territoires palestiniens, n'a pas abouti. Certains pointent encore les divisions internes des territoires palestiniens. Faut-il considérer que le pouvoir palestinien est opposé à toute solution pacifique ?

Non, pas du tout. Dans la réalité de tous les jours, ce n'est pas le cas. Et de surcroît, un nouvel acteur est entré dans la danse : il s'agit des Palestiniens qui sont citoyens israéliens. Et qui vont voter aux élections israéliennes, qui vont voter contre la politique de l'État d'Israël. Aujourd'hui, ils sont beaucoup plus proches, pour beaucoup d'entre eux, des dirigeants de l'OLP qu'ils ne l'étaient autrefois. Donc nous sommes dans une dialectique tout à fait nouvelle. Et tout à fait imprévue, dans laquelle chacun joue des cartes différentes. Et dans ces conditions, évidemment, ce n'est pas facile pour les dirigeants palestiniens - qui, eux-mêmes, réprouvent les actes de terrorisme et ne les encouragent pas -, de donner le sentiment qu'ils ne sont pas à la botte des Israéliens ou de qui que ce soit. Et comme, en plus, Mahmoud Abbas a pris la décision courageuse de soutenir l'Arabie Saoudite contre les Frères musulmans et contre Erdogan, on peut considérer qu'il a déjà fait beaucoup. Et que dans ces conditions, il a besoin d'un geste symbolique qu'il n'est pas un valet de l'empire israélien. C'est tout à fait naturel et il faudrait le laisser faire sans le gêner davantage, étant donné la situation qui, pour lui, est particulièrement difficile depuis que le Hamas a été repris en main par les Frères musulmans. Ce n'est pas nécessairement, d'ailleurs, pour toujours. C'est là que la diplomatie égyptienne, qui ne manque ni de subtilité ni d'intelligence depuis que le maréchal al-Sissi s'en occupe tous les jours, peut peut-être nous surprendre. Parce que dans cette région, on a parfois de bonnes surprises, et pas seulement de mauvaises.

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