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Ce que révèle vraiment la hausse de 54% des tirs de la Police à l’arme automatique en France depuis 2016
©NICOLAS TUCAT / AFP

"L'Arme fatale"

Selon le récent rapport de l'IGPN, l’utilisation de l'arme automatique par la police a connu une hausse de 54% (394 cas) depuis un an. Comment expliquer un tel chiffre ?

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Atlantico : Selon le dernier rapport de l'IGPN publié en juin dernier, l’utilisation de l'arme automatique par la police a connu une hausse de 54% (394 occurrences) depuis le mois de juillet 2017. Comment expliquer un tel chiffre que Marie-France Monéger-Guyomarc'h, Directeur de l'IGPN justifiait notamment par la progression préoccupante des refus de contrôle des conducteurs ? 

Gérald Pandelon : Malgré tout le respect que je peux éprouver envers la directrice actuelle de l'IGPN, cette dernière verse encore, une fois n'est pas coutume, dans une sorte de politiquement correct qui malheureusement ne convainc pus qui que ce soit. Car, en réalité, la hausse de l'usage de l'arme automatique n'est pas essentiellement lié au refus préoccupant des contrôles routiers, ce qui est toutefois un fait non négligeable, mais tout simplement à la hausse d'une délinquance de plus en plus violente, laquelle n'est limitée dans son action et sa virulence par aucune forme d'autorité, qu'elle soit d'origine familiale et / ou policière.  Mais pourquoi refuse-t-on à ce point de regarder la réalité en face dans notre beau pays ? Ce refus est tellement grand et puissant qu'il en viendrait même à frôler la maladie mentale si l'on admet que les psychoses fassent aux réalités relèvent également de pathologies. Quelle est pourtant la réalité, à laquelle semblent vouloir systématiquement se dérober les journalistes, les politiques, les sociologues, les criminologues, les penseurs "hors sols" de tous poils, autrement dit les donneurs de leçons en chefs, toujours invités sur les plateaux télé alors que ceux qui savent tout de la question en sont systématiquement évincés, ces purs théoriciens dont les seules qualités semblent être de savoir avec brio toujours opposer une théorie, la leur, fasse à ce qui leur apparaît comme étant une insupportable réalité puisqu'elle contrarie toutes leurs prévisions ?  La réalité à l'état brut, dans son insupportable cruauté c'est que les  violences sont en hausse en France, malgré les efforts des forces de l’ordre pour enrayer leur progression. Des policiers et gendarmes, chargés d’assurer notre sécurité, sont de plus en plus confrontés à la dégradation de leurs conditions de travail mais aussi de vie. À telle enseigne que l'augmentation des violences dans les grandes villes françaises est aujourd'hui reléguée au rang de fatalité, une fatalité qui, comme toutes les fatalités, sont définitives. Alors que le Premier ministre Edouard Philippe était en visite le 13 juillet 2018 dans les locaux de la DGSI à Levallois-Perret pour présenter un nouveau plan d'action contre le terrorisme, à la veille d'un week-end du 14 juillet marqué par une menace terroriste qui mobilisera 110.000 policiers et gendarmes,  les données du ministère de l'Intérieur faisaient état d'un double phénomène, celui, d'abord, d'une augmentation des crimes et délits enregistrés dans l'Hexagone entre 2012 et 2017, ainsi qu'une baisse de l'efficacité des forces de l'ordre (nombre de mises en cause pour 100 infractions constatées), principalement dans les villes. Des mauvais résultats qui contrastent avec ceux, plutôt inattendus, des Bouches-du-Rhône (Marseille) où les violences auraient chuté de 10,8% et du département de Seine-Saint-Denis où leur augmentation serait contenue (3,1%), s'accompagnant toutefois d'une légère hausse (0,9%) des mises en causes. Des départements, plus ruraux, ne sont pas davantage épargnés par cette progression des crimes et délits : plus 60% dans la Creuse, près de 30% d'augmentation dans le Cantal ou encore 21,4% dans le Puy de Dôme. Une hausse des violences que constate sur le terrain Frédéric Le Louette, président de l'association professionnelle nationale militaire Gend XXI, et dont les gendarmes et policiers sont également et de plus en plus les cibles. C'est uniquement ces motifs qui expliquent que pour se défendre et protéger également leurs propres vies, les forces de l'ordre aient davantage recours à leurs armes. 

Dans quelle mesure ce chiffre peut-il découler de l'évolution de la législation concernant la "légitime défense" ? Comment est perçue cette évolution dans le milieu policier ? 

Rappelons d'abord quelques fondamentaux concernant la légitime défense. Sur ce point, la législation applicable à l'usage des armes à feu par les forces de l'ordre a été modifiée par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Voici les cas dans lesquels les policiers peuvent faire usage de leur arme dans le cadre de la légitime défense. L'article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure dresse la liste des cas dans lesquels les forces de l'ordre peuvent faire usage de leur arme. Ces règles s'appliquent aux agents de la police nationale ainsi qu'aux militaires de la gendarmerie nationale, la loi ayant pour effet d'aligner le régime applicable aux policiers sur celui des gendarmes. Dans tous les cas, la légitime défense des forces de l'ordre est régie par les principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité. D'une part, en cas de vie ou d'intégrité physique menacées ; en l'espèce, les forces de l'ordre peuvent faire usage de leur arme lorsque leur vie et leur intégrité physique ainsi que celles d'autrui sont menacées.  Mais également dans l'hypothèse de défense des lieux et des personnes. Il en est de même lorsque les forces de l'ordre ne peuvent défendre autrement les lieux qu'ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées. L'usage de l'arme doit être précédée de deux sommations faites à haute voix. Dans l'hypothèse, par ailleurs, d'une fuite. L'usage d'une arme est également autorisée lorsqu'une personne sous leur garde parvient à s'échapper et qu'elle est susceptible de commettre des atteinte à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui. Elle doit être précédée toutefois de deux sommations. Mais l'utilisation de l'arme est permise si elle vise à stopper des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt dès lors que le conducteur ou les passagers sont susceptibles de perpétrer des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique des forces de l'ordre ou à celles d'autrui. Enfin, l'usage d'une arme est possible lorsqu'il vise à empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis, c'est dire dans des hypothèses de flagrance.  Mais c'est surtout vers une présomption de légitime défense qui est attendue par une majorité des membres des forces de l'ordre confrontée à la dure réalité, celle du terrain, au quotidien.  En effet, comme tous les citoyens (ni plus ni moins), les policiers peuvent invoquer la légitime défense quand ils sont accusés de violences. "Il n'est pas normal que nous soyons soumis à la même règle qu'un simple citoyen alors que nous sommes formés à l'usage de notre arme et qu'on est confronté tous les jours à la violence de rue", déplore le syndicat Alliance. "Il y a un ensauvagement de la société, la violence va crescendo contre les policiers. Face à ça, ces derniers se sentent impuissants, insécurisés dans leur mission régalienne. C'est préjudiciable au policier ou au tiers qu'il protège", abonde Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie-Officiers
Une loi votée en juin dernier pour faire face aux risques terroristes a déjà un peu assoupli la règle d'usage des armes puisque les policiers peuvent désormais "l'utiliser pour éviter la réitération d'un meurtre ou d'une tentative de meurtre". Seulement les syndicats dénoncent toujours une différence avec les possibilités offertes aux gendarmes d'utiliser leur arme à feu dans des circonstances où leur vie n'est pas directement menacée. 
Selon des sources de la place Beauvau, le nouveau projet de loi va aligner les régimes de sorte que tous les dépositaires de la force publique pourront tirer "après sommations" pour arrêter une personne récalcitrante dont ils ont la garde ou un chauffard fonçant sur eux. Le projet envisage néanmoins un arsenal de "mesures de proportionnalité" comme garde-fous, ajoute-t-on dans l'entourage du nouveau ministre.

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