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En savoir moins sur ce qu’il y a dans vos cigarettes est peut-être ce qui va vous faire arrêter
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Paradoxal

Les paquets de cigarettes contiennent désormais très peu d'informations sur leurs ingrédients ou émissions. Ces données ne sont pas très utiles aux fumeurs...

Gérard Dubois

Gérard Dubois

Gérard Dubois est membre de l’Académie nationale de médecine, où il occupe la fonction de président de la Commission Addictions. Il est le co-auteur du rapport des "Cinq sages" au ministre des Affaires sociales sur la Santé Publique à l'origine de la loi Evin.

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Atlantico : Depuis quelques années, la mention des émissions produites lors de la consommation d'une cigarette a disparu des paquets. Pourquoi ?

Pr Gérard Dubois :Les mentions légères, ultra légères, light, ultra light, à faible teneur en goudron sont interdites depuis septembre 2003 dans toute l’Union européenne (donc en France) car elles risquent d’induire le fumeur en erreur en lui donnant à tort l’impression que ces produits sont moins nocifs pour la santé. Après que la démonstration a été faite dans les années 50 que le tabac cause le cancer du poumon, l’industrie a essayé de développer les filtres (certains en amiante) mais les fumeurs ne les appréciaient guère puisqu’ils ne recevaient plus leur dose de nicotine. Très vite, l’industrie a développé des faux filtres dont la base contient un cercle de trous minuscules et invisibles qui permettent à l’air de diluer le flux de la fumée. C’est la raison pour laquelle tous les fumeurs peuvent constater que le centre du filtre est plus foncé que la périphérie, donnant une image en cocarde. Les “teneurs” mentionnées à l’époque sur les paquets ne sont pas des “contenus” des cigarettes Celles-ci ne contiennent pas de goudrons. C’est en brûlant que le tabac dégage des produits de combustion que sont les goudrons (cause des cancers) et un gaz, le monoxyde de carbone (CO) cause d’infarctus et que la nicotine est libérée (cause de dépendance). Pour les mesurer on se servait de “machine à fumer”, les cigarettes étant placées dans des orifices reliés à des pompes. Le flux de fumée traversait un filtre pour récolter les goudrons et le nicotine, le CO étant mesuré dans la partie gazeuse. Si cela parait simple et logique, c’est malheureusement l’industrie du tabac qui a établi les normes des machines à fumer. Le rythme et le volume des bouffées ne ressemblaient en rien à aucun fumeur! Tous les petits trous du filtre étaient ouverts alors que les doigts du fumeur en couvrent un tiers rien qu’en tenant la cigarette. Sans parler du fumeur qui a besoin d’une recharge nicotinique rapide (après un film long par exemple) qui écrase la base du filtre entre le pouce et l’index. Donc tout était fait pour minimiser les résultats, les rendant irréalistes et donc trompeurs (comme pour le dieselgate).

Enfin, le fumeur, en fonction de ses besoins, peut multiplier les bouffées, inhaler profondément, afin de mieux exploiter sa cigarette, ce que l’on appelle le phénomène de compensation.

En 2003 l’OMS recommande donc de faire cesser ces allégations trompeuses qui prêtent à confusion. Le Parlement européen interdit à compter du 30 septembre 2003 les mentions “faible en goudrons, léger, ultra léger, light, ultra light” qui risquent d’induire en erreur en donnant à tort au fumeur l’impression que ces produits sont moins nocifs pour la santé. En effet, toutes les études montrent que ces cigarettes sont aussi dangereuses que les autres.

En 2006, Philip Morris est condamné en termes sévères (confirmation définitive en appel en 2009) par le juge Gladys Kessler dans l’affaire contre les Etats-Unis pour tromperie en apaisant les craintes des fumeurs quant au risque du tabagisme pour leur santé. Les mentions trompeuses sont interdites le 22 juin 2010 aux Etats-Unis. Cela n’empêche pas les cigarettiers de continuer à exploiter un code couleur pour continuer à tromper leurs consommateurs sur la dangerosité de leurs produits.

Certains consommateurs se plaignent d'un manque d'informations : dorénavant, ils doivent se contenter de messages comme "contient 70 substances cancérigènes"...

Il n’est nul besoin de ce type d’information pour le fumeur. La mention “Fumer tue” et les images sont plus informatives que tout discours. Les cigarettes tuent la moitié de leurs fidèles consommateurs. La meilleure cigarette est celle que l’on ne fume pas.

Tout ceci n’a rien à voir avec le paquet neutre, en fait le paquet “moche”, qui vise à supprimer les dernières tentatives de l’industrie pour valoriser ses produits, notamment auprès des jeunes.

De manière générale, l'information sur les substances émises lorsque l'on fume une cigarette aide-t-elle à réduire la consommation de tabac ?

Elles n’ont plus guère d’utilité sur le paquet. Toutes les cigarettes sont dangereuses et aucune ne peut et ne doit prétendre l’être moins qu’une autre.

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