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Sanctions américaines contre l’UE : ces raisons pour lesquelles l’Europe est particulièrement vulnérable à la guerre commerciale déclarée par Trump
©NICHOLAS KAMM / AFP

Déséquilibre

Jeudi 31 mai, Donald Trump a décidé d'appliquer des tarifs douaniers supplémentaires sur les importations d'acier et d'aluminium européens, canadiens, et mexicains. Une nouvelle qui a de quoi inquiéter Bruxelles.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Ce 31 mai, Donald Trump a pris la décision d'appliquer des tarifs douaniers supplémentaires sur les importations d'acier et d'aluminium européens, canadiens, et mexicains. Selon le ministre de l'économie Bruno Le Maire, ces taxes seraient "injustifiées, injustifiables et dangereuses". Comment expliquer une telle décision de la part de Donald Trump ? 

Nicolas Goetzmann : Donald Trump a pour but de réduire le déficit commercial des Etats-Unis avec le reste du monde, soit -568 milliards de $. C'est ce qui explique l'ensemble des négociations actuelles avec la Chine d'un côté, le Canada et le Mexique dans le cadre de l'ALENA, et désormais l'Europe. Ce que l'on peut observer, c'est que Donald Trump utilise les menaces de tarifs douaniers pour négocier, c'est ce qui se passe avec la Chine, qui est en train de s'engager à importer plus en provenance des États Unis. Ces tarifs douaniers ne sont évidemment pas un remède, ils sont un moyen permettant de peser politiquement sur les pays qui accumulent des excédents vis-à-vis des États Unis. Et c'est là que l'on peut comprendre ce qui se passe au niveau européen. L'Union européenne affiche un excédent commercial de 120 milliards d'euros sur les États-Unis, l'Allemagne comptant pour la moitié de ce chiffre (64.3 milliards de $ de déficits des USA vis-à-vis du pays). Lorsque l'on se pose la question de savoir si la décision de Donald Trump est justifiée, on peut quand même s'interroger sur le fait que même sous l'administration de Barack Obama (tous les communiqués du G20 le démontrent) les reproches de Washington pleuvaient sur l'attitude commerciale des européens. Ces excédents sont énormes, et ils ne découlent pas simplement de l'attractivité des produits européens, mais bien d'une politique économique qui peut très bien être considérée comme agressive du point de vue des États-Unis. L'Europe est toujours dans une situation de sous consommation par rapport à son potentiel, c'est ce qui explique la formation de son excédent. A l'inverse, les Etats-Unis ont mené des politiques de relance post-crises bien plus agressives, ce qui leur a permis de faire baisser fortement leur niveau de chômage et donc de consommer plus, et donc d'importer plus. Et l'Europe, l'Allemagne en tête , a surfé sur cette croissance américaine pour vendre ses produits. Un jeu d'échange peut être vertueux pour tous, mais seulement si tout le monde joue le jeu. Ce que n'ont pas fait les européens, pas suffisamment en tout cas. La décision de Trump est une menace, mais l'objectif n'est pas de dresser des barrières douanières partout, l'objectif est de contraindre l'Europe à équilibrer sa balance, ce qui aura lieu lorsque la demande intérieure du continent sera poussée à son plein potentiel.

Ce même jour, la Chine a décidé pour sa part de réduire les tarifs douaniers de certains biens comme les vêtements, les chaussures ou encore l'électroménager. Comment expliquer cette asymétrie ? Que signifie-t-elle pour les européens ? 

Pékin s'engage peu à peu dans la voie de la raison vis-à-vis de Washington. Ici encore, les excédents commerciaux chinois vis-à-vis des États-Unis affichent un niveau de 375 milliards de $. Le jeu ici est de contraindre Pékin, par la voie des tarifs douaniers, de mener une politique plus tournée vers sa demande intérieure que vers ses exportations. Et c'est ce que Pékin a pu annoncer lors de ses dernières semaines, pour un montant non confirmé pour le moment de 200 milliards de $.

Pour les Européens, cela devrait être une prise de conscience de la problématique. Parce qu'encore une fois, l'acier et l'aluminium ne sont pas les principaux secteurs d'exportation des européens vers les Etats-Unis, même s'ils touchent directement l'Allemagne. La menace réelle est portée par le secrétaire américain au commerce, Wilbur Ross, qui travaille actuellement sur des mesures de rétorsion concernant le secteur automobile, et là, clairement, c'est Berlin qui est encore en ligne de mire. Et les conséquences commerciales pourraient être bien plus importantes. Et c'est bien là le problème, parce que l'Europe, et  en tête de proue l'Allemagne, sont particulièrement vulnérables à ce type de sanctions, parce que nous exportons plus vers les États-Unis que nous n'importons de produits et services américains. Nous sommes les vendeurs, ils sont les acheteurs, nous avons logiquement plus à perdre.

Mais cette guerre commerciale devrait également attirer l'attention d'autres pays. Parce que lorsque l'on regarde les échanges commerciaux de l'Allemagne, ses principaux clients, et surtout la liste des pays sur lesquels ses excédents se forment, on observe les chiffres suivants : un excédent de 50 milliards d'euros sur les États Unis, de 47 milliards sur la Grande Bretagne et de 41 milliards pour la France, soit 56% du total de l'excédent allemand qui a atteint 244 milliards en 2017. Pour ces pays, les intérêts commerciaux devraient être alignés pour peser sur la réticence allemande à consommer plus, et à équilibrer sa balance. Ce qui n'est pas le cas. La France présente d'ailleurs un déficit commercial vis-à-vis du reste du monde de 38 milliards d'euros, un chiffre inférieur à sa balance déficitaire vis-à-vis de l'Allemagne. 

​Comment peut-on imaginer la suite de cette guerre commerciale qui s'annonce entre États-Unis et Europe ?

La Commission européenne a déjà pu annoncer qu'elle pourrait prendre des mesures de tarifs douaniers à l'encontre des États Unis. Mais ce serait jouer avec le feu. On peut regretter la situation actuelle, mais ce sont les européens qui ne respectent pas réellement les règles du jeu du commerce mondial, en jouant, comme la Chine, un rôle de cavalier solitaire qui consiste à se servir de la croissance de ses partenaires commerciaux. De plus, ces menaces de tarifs douaniers ne sont pas une nouveauté du jour, les européens auraient pu faire essayer de corriger le tir. Mais la réponse allemande a été apportée par son nouveau ministre des finances, Olaf Scholz, qui a indiqué que l'objectif du budget allemand resterait à 0 déficit, c’est-à-dire qu'aucun effort de relance intérieure n'a été fait. D'autant plus que la demande expresse de Donald Trump, visant notamment l'Allemagne, de respecter les règles de financement du budget de l'OTAN ( 2% de dépenses par an) n'ont, encore une fois, pas été écoutées. Au contraire de la France. La menace était réelle, elle peut se comprendre du point de vue des Etats Unis, elle a été ignorée. 

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