Les jaunes budgétaires, qui sont des documents annexés au projet de loi de finances 2013, viennent de livrer une partie d’un secret utile pour comprendre le fonctionnement de notre démocratie représentative finissante : les moyens financiers spéciaux mis à disposition des cabinets ministériels. Cette liasse de tableaux un peu austère a la bonne idée, cette année, de récapituler les sommes utilisées sous l’ère Sarkozy. Mais on restera un peu sur sa faim pour ce qui concerne la nouvelle majorité, qui transmet bien les effectifs des cabinets au 1er août 2012, mais ne livre rien de sa consommation financière... Dommage.
Pour la petite histoire, il faut se rappeler que Lionel Jospin fut le premier à mettre de la transparence dans les moyens des cabinets ministériels, par la création de l’indemnité de sujétion particulière, née d’un décret de décembre 2001, quelques mois avant la présidentielle qui vit sa sortie de la vie politique. L’idée était alors de combattre la pratique des enveloppes en liquide, dont les mauvaises langues affirmaient qu’elles avaient servi, par le passé (même récent !) à récompenser des collaborateurs de cabinet, à habiller les maîtresses du ministre (Roland Dumas dixit) et même à financer des campagnes électorales.
Ces primes nouvelles s'ajoutaient aux salaires des collaborateurs de cabinet, versés par leur ministère.
L’oeuvre de moralisation de Lionel Jospin fut donc salutaire. Elle consistait à substituer aux sommes en liquide des moyens officiels servant essentiellement à récompenser les fonctionnaires des cabinets par des primes parfois très confortables, et, très marginalement, à recruter des collaborateurs en contrat précaire.
La mise en place de la loi organique sur les lois de finances (LOLF) a permis de consacrer un jaune budgétaire au suivi des moyens des cabinets, ce qui permet, désormais, d’y voir un peu plus clair dans ce que coûte cette spécificité française : le cabinet ministériel qui double sur le plan politique les services de l’administration, parfois avec des moyens pléthoriques.
Premier enseignement de cette année : les cabinets ministériels disposent, pour ces primes d’environ 25,9 millions d’euros de moyens propres. Avec cette somme, les ministres, chacun sur son enveloppe, peuvent verser des primes aux collaborateurs qui travaillent pour eux, et s'il reste quelque chose, recruter des contrats à durée déterminée. Cette somme est attribuée en année pleine. Il conviendra donc de vérifier l’an prochain comment la nouvelle majorité s’est accommodée d’une enveloppe consommée en partie par la précédente équipe.
Au total, cette somme réservée aux primes équivaut à environ 1.340 SMIC annuels.
Elle permet de gratifier les 525 membres politiques des cabinets, et les presque 2.400 assistants, assistantes, policiers et autres cuisiniers qui servent les ministres, et dont le reste du salaire est le plus généralement financé par le ministère lui-même.
Que penser de ces chiffres?
Si on les compare à 2011, il existe un motif de se réjouir, et un motif de s’étonner.
Le motif de se réjouir est que, globalement, les moyens des cabinets se sont repliés de plus de 10% par rapport à la dernière année du gouvernement Fillon. Celui-ci avait, en 2011, dépensé 28,5 millions d’euros pour primer les équipes qui entouraient les ministres.L’équipe Ayrault peut donc se targuer de serrer les boulons et de se montrer plus économe, malgré une prolifération des ministres eux-mêmes.
Le motif de s’étonner tient en revanche au nombre de collaborateurs politiques : l’équipe Fillon en comptait 511. L’équipe Ayrault en compte déjà 525. Or, les cabinets obéissent aux mêmes lois astro-physiques que l’administration dont ils sont à la fois les satellites et le paradigme : ils sont en expansion permanente, et c’est un jeu comique de voir les Premiers ministres rappeler régulièrement qu’ils doivent diminuer de taille.
Comparons maintenant les cabinets Ayrault avec la première année du gouvernement Fillon, et nous en aurons la démonstration. Le gouvernement Fillon avait, pour sa part, commencé (effectifs du 1er août 2007) avec 553 collaborateurs politiques, soit 28 de plus que l’équipe Ayrault. Dès l’année suivante, c’est-à-dire au 1er août 2008, l’équipe Fillon atteignait le record de 652 collaborateurs de cabinets !
Eh oui ! Il s’agit bien du gouvernement dirigé par un homme qui avait déclaré que son pays était au bord de la faillite. Il fallut attendre 2010 pour qu’une première décrue apparaisse : les cabinets tombèrent (au 1er juillet) à 616 collaborateurs. Il faut dire que cela commençait à sentir sérieusement le roussi pour Nicolas Sarkozy, et que le slogan du sauve-qui-peut parcourait les parquets et les moquettes des coulisses ministérielles. L’enjeu était alors de se recaser à une place au soleil, de se faire oublier le temps que la majorité change.
À la différence de l’année 0 de l’équipe Ayrault, l’équipe Fillon s’était en revanche montrée moins gourmande sur les moyens financiers accordés aux cabinets. L’ensemble de l’enveloppe d'indemnité particulière s’élevait à 24,250 millions d’euros en année pleine, soit 1,650 million d’euros de moins que l’équipe Ayrault. L’effet de l’inflation sans doute : les moyens extraordinaires des cabinets débutants auront augmenté de 7,5% en 5 ans.

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