S’il n’y avait que la Russie… : ces problèmes qui plombent l’OTAN de l’intérieur<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky serre la main du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, le 29 avril 2024.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky serre la main du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, le 29 avril 2024.
©SERVICE DE PRESSE PRÉSIDENTIEL UKRAINIEN / AFP

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Alors que l’OTAN reste mobilisée face aux différentes menaces, des différends sur les dépenses et le budget pèsent sur l'alliance.

Nicolas Richoux

Nicolas Richoux

Général (2S) Nicolas Richoux, ancien commandant de la 7e brigade blindée et ancien attaché de défense à Berlin.

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Atlantico : N’y a-t-il pas des tensions internes au sein de l’OTAN sur la coordination des stratégies entre partenaires européens, notamment en période de manoeuvres et d’entraînement commun ? 

Nicolas Richoux : En matière d'entraînement en commun, il n'y a pas de vives tensions au sein de l’UE. Le vrai problème est lorsque l'OTAN souhaite déclencher l'article cinq qui prévoit de pouvoir intervenir au profit d'un membre agressé. Mais il n'y a pas d'automaticité. Le vrai problème de l'OTAN est d'abord son nombre. Il y a 32 membres et la prise de décision doit se faire à l'unanimité. Des tensions ont pu apparaître avec Viktor Orban en Hongrie, Recep Tayyip Erdogan en Turquie ou bien encore Donald Trump. Ces crises remontent à l'époque où le Président de la République s’était confié sur l’état de mort cérébrale de l'OTAN. Cette déclaration était une réaction à Donald Trump et à Recep Tayyip Erdogan qui bloquaient les plans de défense de l'OTAN. Il est donc assez complexe d’agir tous ensemble au sein de l’OTAN. Un consensus est nécessaire. Il y a de nombreux intérêts communs mais cette alliance n'est pas véritablement automatique. 

Le vrai problème est de savoir si en cas d’engagement commun, y aurait-il une unanimité, notamment sur des problématiques comme l'OTAN ? Rien n'est moins sûr. L'article 42, paragraphe 7, prévoit un engagement automatique si un État membre est attaqué. Il est plus contraignant théoriquement que l'article 5 de l'OTAN. Le problème est que l'Union européenne n'a pas véritablement le statut et les capacités d’une Europe de la défense aujourd'hui. Elle a été formée autour des fondamentaux économiques. Il n'y a pas de véritables structures communes. La coordination des outils de défense est encore imparfaite. 

L'OTAN reste néanmoins encore, et sans doute pour longtemps, le véritable instrument qui nous permet de vivre en paix. 

Y a-t-il des tensions internes à l'OTAN sur le rapport aux États-Unis ?

Il y a moins de tensions vis-à-vis des USA qu’à l’époque de Donald Trump. Je me souviens, lorsque j'étais attaché de défense à Berlin, que les Allemands qui suivaient les Etats-Unis ont commencé à se poser des questions au regard des critiques et de la stratégie de Trump par rapport à l’OTAN. Les Etats Unis ont été mobilisés avec la guerre commerciale avec la Chine et ils ont été obligés de se mobiliser sur l'Ukraine. Ils ont toujours le même poids.

L'OTAN est la structure centrale de l'unité. La position de la France est de construire un pilier européen avec l'OTAN. Ce pilier européen peut être utile pour les intérêts européens. 

La vraie difficulté est que beaucoup de pays ne partagent pas la vision d’une défense européenne. Pour des pays comme la Pologne, les pays baltes, pour tous les pays de l'Est, l'OTAN reste la seule assurance fiable avec le parapluie américain. L’idée de l'Europe de la défense progresse aujourd'hui avec la crise ukrainienne mais elle n'est pas partagée par tous. 

Une très grosse crise pourrait intervenir à partir du mois de novembre en cas d’élection de Donald Trump.

Existe-t-il des tensions internes à l’OTAN sur la question des dépenses ?

Les tensions sont nombreuses dans ce domaine. Les Américains veulent que les pays membres de l’OTAN contribuent davantage sur le plan financier. Les Américains veulent que cette contribution soit à hauteur de 2 % du PIB. Beaucoup de pays membres de l’OTAN ont vécu à crédit ces dernières années. Le budget de l’Europe des 27 représente seulement un tiers du budget américain. Les Américains dépensent aujourd'hui presque 900 milliards pour leur défense. Certains pays ont complètement sous-traité leur défense aux Etats-Unis et n'ont fait absolument aucun effort. C’est notamment le cas de l’Allemagne et de la Belgique. 

La France a pris le problème à bras le corps et la France cette année va atteindre les 2 % et va donc répondre positivement aux critères de l'OTAN. La Pologne est passée à 4 %.

Quels sont les autres problèmes qui fragilisent l'OTAN de l'intérieur. Est-ce qu'il y a d'autres enjeux qui sont préjudiciables pour l'OTAN ?

Certains pays et dirigeants, par leurs actions, fragilisent l'OTAN. Viktor Orban en Hongrie a adopté une politique de confrontation directe vis-à-vis de l’OTAN. Quand le président Macron avait évoqué la mort cérébrale de l'OTAN, il ciblait la stratégie de Donald Trump qui avait dit que si aucun effort n’était réalisé, il ne serait plus possible de compter sur le soutien américain en cas de menace ou d’attaque directe. 

Recep Tayyip Erdogan a aussi bloqué pendant plusieurs années les plans de défense, la capacité à élaborer des plans en cas d'attaque, à cause de la question des Kurdes. 

L’action de deux ou trois Etats membres peut fragiliser l’action de l’OTAN. Certains alliés, comme la Turquie, ne sont pas des alliés faciles. Les nouveaux entrants comme la Finlande et la Suède ne posent pas de problème. Les difficultés viennent plutôt de la Turquie. La Turquie est un partenaire qui jouera toujours sa carte et qui ne sera jamais fiable. Cela constitue la faiblesse structurelle de la disparité des États qui composent l’OTAN et qui ont des intérêts parfois divergents. 

Après novembre et les élections américaines, cela pourrait être une question de vie ou de mort pour l’OTAN en cas de réélection de Donald Trump. Le candidat républicain pourrait transformer l’OTAN en une coquille vide en bloquant absolument tout pendant son nouveau mandat, en refusant d'intervenir, de jouer le jeu du leadership et en laissant les Européens se débrouiller seuls. La fragilité de l’OTAN vient du côté démocratique et des décisions collégiales qui sont prises. Les membres de l’OTAN sont très loin d'être unis sur de nombreux sujets.

Quelles pourraient être les solutions ou les réformes utiles afin d’éviter de nouvelles crises au sein de l'OTAN ? Y a-t-il des solutions miracles ?

Il n'y a pas de solution miracle. La seule opportunité serait un vote à la majorité qualifiée. Il n’est pas évident que les membres délèguent leur souveraineté. Tous les Etats membres restent maîtres de leur propre armée, de leur propre souveraineté et de leurs propres choix géopolitiques. Il n'y a donc absolument aucune solution miracle sur le plan militaire pour l’OTAN.

Il y a un commandement, un chef militaire, des systèmes de commandement qui sont communs, donc des transmissions des systèmes d'information et de commandement, mais il ne faut pas oublier que l'OTAN n'est que l'addition des pays membres. Il n’y a pas une armée pour l'OTAN et une armée pour la France ou pour l'Allemagne. Ce sont les mêmes troupes qui vont intervenir pour l'un ou pour l'autre. Donc cela reste des troupes nationales.

Pour le porte-avions Charles de Gaulle, c'est une fausse idée de dire qu'il est sous commandement de l’OTAN car le Centre de planification et de conduite des opérations à  Paris valide ou non les ordres qui sont transmis par le commandement de l’OTAN. Les Etats membres ont toujours le dernier mot. Par contre, l'outil militaire doit s’améliorer. Sur le plan politique, cela semble compliqué. Sur le plan militaire, des exercices et des entraînements doivent en revanche être mis en place.Le savoir-faire qui a été perdu ne se récupère que par l'entraînement.La capacité à agir ensemble est essentiellement politique. Seuls les politiques peuvent répondre à cela. 

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