Selon de nouvelles données européennes, le coût du vieillissement démographique va drastiquement s’alourdir. Et personne n’y est prêt <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Lorsque nous parlons de vieillissement, il s’agit de l’augmentation du poids des générations les plus âgées.
Lorsque nous parlons de vieillissement, il s’agit de l’augmentation du poids des générations les plus âgées.
©Behrouz MEHRI / AFP

Des coûts en hausse

La Commission européenne vient de publier son dernier rapport sur le vieillissement démographique. Avec des chiffres inquiétants à la clé.

Vincent Touzé

Vincent Touzé

Vincent Touzé est économiste senior au département des études de l'OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Economiques).

Voir la bio »
Claire Fourcade

Claire Fourcade

Claire Fourcade est présidente de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP). Formée au Canada, est médecin dans le pôle de soins palliatifs (EMSP + service de SP + HDJ) de la Polyclinique Le Languedoc à Narbonne depuis 20 ans.

Voir la bio »

Atlantico : La Commission européenne vient de publier son dernier rapport sur le vieillissement démographique. Quels sont les trois secteurs qui ont le plus de conséquences sur les dépenses publiques ?

Vincent Touzé : Il y a les retraites, la santé, la perte d’autonomie et l’éducation.

Lorsque nous parlons de vieillissement, il s’agit de l’augmentation du poids démographique des générations les plus âgées. Techniquement, pour le financement des retraite, il s’observe que le nombre de cotisants par retraité diminue, il y a un effet mécanique qui est que pour financer un niveau constant de pension, il faudra de plus en plus de cotisations. Sinon, il faut raboter les pensions qui deviennent alors moins généreuses, à moins de travailler un peu plus longtemps. Les réformes, y compris celles qui affectent la fonction publique, conduisent au fait qu'il y a une baisse de la générosité du système de retraite et et un recul de l’âge de la retraite. Cela annonce que la population passera plus de temps dans la vie active.

Le vieillissement de la population est la conjonction de deux tendances : l’espérance de vie augmente (baisse de la mortalité) et la dynamique de croissance des naissances a diminué.

Concernant les dépenses de santé, le montant moyen a tendance à augmenter avec l’âge. En dehors des progrès médicaux, il ne faut pas oublier que la population peut faire aussi plus attention à sa santé (par exemple en fumant ou buvant moins d’alcool). Il peut y avoir des impacts directs sur l'état de santé, sans que cela représente un coût financier pour la société. Les pathologies de longue durée sont également plus coûteuses car les patients vivent aussi plus longtemps, sans compter la perte d’autonomie dont le risque est élevé après 80 ans. Cette dernière engendre un besoin quotidien d’aide dans l’accomplissement des actes de la vie quotidienne (se laver, se nourrir, se lever, s’habiller, etc.), ce qui peut représenter un coût financier très élevé.

Les dépenses publiques liées à l’éducation sont aussi sensibles au vieillissement. Leur évolution dépend des naissances qui portent à terme d’abord des élèves dans le primaire, puis dans le secondaire et au lycée et enfin dans le supérieur. Si le taux de fécondité est inférieur à celui qui permet le renouvellement d'une génération, nous aurons une rétractation du poids des jeunes en âge d'étudier dans la population totale. Donc forcément, dans le PIB, si on consacre un montant constant par enfant, nous allons faire moins de dépenses globales.

La France est à 30% du PIB. Cette situation est-elle correcte ? Reste-t-il des efforts à fournir dans certains domaines ?  

Vincent Touzé : Aujourd’hui, en Europe, les niveaux de dépenses résultent du choix de chaque nation qui a été guidée par la construction de leur système de protection sociale. Par exemple, des pays où c'est très bas, comme l'Irlande, s'expliquent par le fait qu’ils ont un système public de retraite très faible.

En France, l’évolution des dépenses d’ici 2070 sous l’effet du vieillissement n'est pas dramatique. Il y a même une légère baisse dans le PIB en raison des réformes du système de retraite. Il y a également des effets de compensation du fait qu'il y aura un peu moins de dépenses d'éducation. Là où l'accélération va porter en France, c'est sur les dépenses de pertes d'autonomie et de santé. Aujourd'hui, en France, nous sommes dans un contexte où il y a déjà beaucoup de dépenses et il y a eu un essai de contrôle de ce poids avec les dernières réformes passées.

Le défi aujourd'hui va être de trouver de l'argent pour la santé et la perte d’autonomie. Historiquement nous avons en partie refinancé la sécurité sociale en prenant des excédents de la famille pour les redonner aux retraités, par exemple. Mais en même temps, si nous avons moins de démographie, dans un contexte de croissance de la productivité qui pourrait être plus faible que prévue, il devient essentiel d’investir plus dans l'avenir, c'est-à-dire dans l'éducation, dans la recherche, pour maintenir une dynamique de la productivité des travailleurs…

Quand on compare les deux derniers rapports de la Commission européenne, on s’aperçoit que la croissance de la productivité a été révisée à la baisse, ce qui affaiblit la perspective d’une baisse marquée du poids des dépenses des retraites dans le PIB : en-dessous d’un certain niveau, la croissance de la productivité ne permet plus de compenser le vieillissement de la population.

Selon les prévisions du rapport de la Commission européennes, ces pourcentages devraient augmenter de 1,2 point de pourcentage d'ici 2070, ce qui revient à atteindre 25,6 % du PIB. Les premières observations de croissance pourront, normalement, se faire vers 2045, avec une augmentation légère mais constante des coûts du vieillissement dans l'UE. Cela vous paraît-il crédible ?

Vincent Touzé : La question qui se pose est par rapport aux défis d'une société de prospérité à maintenir dans un contexte où la population vieillit. Est-ce que nous ne pouvons pas compenser la moindre natalité par un investissement éducatif plus ambitieux en capital humain ? Sachant que la dépense éducative, c'est vraiment un investissement dans la société de demain. A quel prix cette dépense éducative permettra-t-elle de maintenir une croissance satisfaisante de la productivité du travail ?

Je pense qu'il y a aussi des vrais défis de réflexion sur la société par rapport à la croissance perpétuelle sachant qu'on ne peut pas consommer non plus à l'infini.

Ces nouveaux horizons de dépense peuvent nous amener sur plusieurs débats actuels. Par exemple concernant la santé, est-il possible que certaines nations envisagent la légalisation de l’euthanasie dans un but de faire des économies sur les prises en charge à long terme ?

Claire Fourcade : Le seul pays qui publie des chiffres sur l’économie réalisée par l’euthanasie, est le Canada. En France, c'est une chose qui n'est jamais ni dite ni évaluée.

Cependant, ce qui est sûr, c'est que la dernière année de vie est celle qui coûte le plus cher. Le pronostic vital engagé à moyen terme est d’environ 6 mois ou 1 an. Pour faire des économies ce serait donc la période qui coûte le plus cher qui serait supprimée. Cela pourrait arranger certaines dépenses publiques pour donner plus de fonds à la recherche, par exemple. Mais en réalité l’Etat utiliserait cet argent là où il veut.

Ce qui est sûr, c'est que si on supprime une période de la vie qui génère beaucoup de dépenses, nous aurons des économies pour un système de santé qui est de toute façon en déficit. Je ne pense pas que cet argument puisse être utilisé par le gouvernement pour justifier son projet de loi. C'est peut-être un argument pour des institutions. Les personnes qui militent pour l'euthanasie le font toujours à titre personnel.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !