Les restrictions budgétaires poussent les collectivités locales à oublier de payer leurs fournisseurs (ou alors trop tard)<!-- --> | Atlantico.fr
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Plus de la moitié des entreprises françaises ne veulent plus répondre aux appels d’offres des administrations ou des collectivités locales parce qu'elles ne sont pas payées à l'heure.
Plus de la moitié des entreprises françaises ne veulent plus répondre aux appels d’offres des administrations ou des collectivités locales parce qu'elles ne sont pas payées à l'heure.
©Flickr

Atlantico Business

Bercy a rendu public les délais mis par les collectivités publiques pour régler les entreprises qui travaillent pour elles. C’est ahurissant et cela explique que 55 % des entreprises ne répondent plus aux appels d’offres lancés par l’administration. Elles ont trop peur.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Plus de la moitié des entreprises françaises ne veulent plus répondre aux appels d’offres des administrations ou des collectivités locales parce qu'elles ne sont pas payées à l'heure. Donc, les fournisseurs ne se bousculent pas. Ils ont même tendance, pour 55 % d’entre eux, à fuir les marchés publics. Tellement les procédures sont lourdes et les délais sont longs.

Fin de l'année dernière, la publication de ce chiffre découvert dans le baromètre que fabrique chaque année le cabinet Arc avait suscité l’attention des organisations patronales qui s’en étaient emparées, ce qui avait énervé les directions de l'administration et même les élus locaux.

Bercy avait promis de regarder la situation de très près. Du coup, Bercy vient de publier sur son site l'état des délais de paiement des collectivités locales et des administrations. Ce document rassemble l'ensemble de la situation. À l'époque, le ministre de l'économie avait institué le "name and shame", c’est-à-dire la possibilité de dénoncer et de condamner les responsables. Cette procédure a permis de rappeler à l'ordre quelques grosses entreprises, Renault par exemple, qui a été condamnée à verser une amende lourde de plus de 2 millions d'euros pour retards de paiement à ses fournisseurs. Cependant, l'effet sur une entreprise qui fait plusieurs milliards de chiffre d’affaires est très relatif.

Cette procédure du "name and shame" occultait aussi tout ce qui pouvait se passer au niveau des petites et moyennes entreprises, et particulièrement quand les clients sont des organisations publiques, dont on s’aperçoit qu’elles sont les plus mauvaises payeuses du système. L’analyse publiée par Bercy est accablante.

« En fait, explique Denis Le Bosse, le président du cabinet Arc, cabinet spécialisé dans la gestion du poste client et le recouvrement de créances, tout le monde se doutait bien que les collectivités locales ne payaient pas dans les délais convenables, mais personne n’osait en parler. Quand on a découvert que 55 % des entreprises ne voulaient plus répondre aux appels d’offres de l’État, des collectivités locales ou des administrations publiques, nous savions qu’il y avait un problème de paiement. L'étude que sort Bercy nous dit précisément d'où cela vient »

La situation est en effet assez impressionnante parce que sur 17 000 clients publics, collectivités locales ou administrations, 3 500 ne respectent pas le délai légal de paiement. 3 500 mairies, départements ou organismes régionaux dépassent les 30 jours légaux. Mais ce qui est étonnant, c’est que sur ces 3 500 mauvais payeurs, beaucoup sont très, très mauvais. Il y a 11 entités administratives, par exemple, qui ont plus d'un an de retard dans le paiement de leurs fournisseurs. Il y a près de 200 qui ont entre 6 mois et 1 an de retard, 140 qui ont entre 3 mois et 6 mois…

Les écarts les plus spectaculaires concernent les collectivités locales. Depuis 2022, les délais se sont allongés, beaucoup restent inférieurs à la limite légale, mais beaucoup se sont mis dans une situation difficile qui se répercute sur les entreprises. Le pourcentage d’entreprises qui ont constaté une augmentation des délais de paiement est passé de 26 % à 40 %.

La Fédération du Bâtiment est particulièrement touchée puisqu’elle considère que le délai de paiement des mairies, des départements et des régions tourne au-dessus des 45 jours, aux alentours de 50 à 55 jours. Les premières victimes sont les petites entreprises. Celles qui travaillent dans la région Île-de-France sont les plus touchées, notamment dans certaines communes de la Seine-Saint-Denis ou de la Seine-et-Marne. Les premiers responsables sont les lycées dont la gestion a été reprise par la région laquelle n’a pas les crédits de fonctionnement nécessaires. Mais comme souvent, il n’y a pas de coupable, ou alors l’État qui a transféré beaucoup de dépenses à la charge de la région ou des communes, dans un climat conjoncturel qui n’est pas euphorique.

Pour Denis Le Bosse, du cabinet Arc, « les entreprises qui sont pénalisées par les retards de paiement ont bien sûr des recours possibles, avec la possibilité juridique d’obtenir des indemnités, mais la grande majorité ne préfère pas activer les pénalités possibles de peur de perdre les marchés suivants. En revanche, les entreprises qui peuvent se passer des marchés publics préfèrent actuellement ne pas répondre aux appels d’offres ».

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