Comment lutter contre la pression des écologistes sans affaiblir la protection de l’environnement : petites questions sur la méthode Wauquiez <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Laurent Wauquiez.
Laurent Wauquiez.
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Stratégie

Laurent Wauquiez a fait de son positionnement anti-écologiste un véritable argument politique en vue, notamment, de l'élection présidentielle de 2027.

Carl Enckell

Carl Enckell est avocat spécialisé en droit public et de l’environnement depuis plus de 20 ans.
Associé gérant du cabinet Altes, il est l’auteur de nombreuses publications et est sollicité, en sa qualité d’expert, pour diverses interventions lors de colloques ou de formations.
Voir la bio »
Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

Voir la bio »

Atlantico : Laurent Wauquiez a fait de son positionnement anti-écologiste un véritable argument politique en vue, notamment, de l'élection présidentielle de 2027. Au point, parfois, de promettre de ne pas respecter la loi. Que sait-on, exactement, de sa méthode dès lors qu'il s'agit de résister aux pressions écologistes ? A-t-il raison de procéder de la sorte, notamment au regard du bilan des administrations en charge de l’environnement dans les autres régions comme au niveau national ? 

Carl Enckell : La stratégie de Laurent Wauquiez rejoint, à certains égards, celle d’autres présidents de région dont Xavier Bertrand. Tous deux s’appuient sur des prérogatives des régions, parmi lesquelles la planification territoriale, qui impliquent que les services de l’Etat – c’est-à-dire les administrations de l’Etat au sein des régions  – entretiennent un dialogue avec les conseils régionaux et leurs majorités au sujet de la politique à mettre en œuvre. Il est tout à fait sain, d’ailleurs, de répartir les compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales… mais encore faut-il que chacun joue le jeu de cet échange. Cela n’empêche pas, évidemment, des prises de positions divergentes entre le conseil régional et les administrations précédemment évoquées. Cela n’a rien de surprenant. Pour autant, une opposition de principe, brutale, ne permet généralement pas l’émergence d’une solution ou d’un compromis de qualité.

Une solution de blocage ne peut pas constituer une solution durable. L’enjeu de l’environnement, notamment à travers les documents de planification, c’est celui de l’anticipation et de l’accompagnement de la transition écologique et énergétique, ce qui implique que chacun prenne sa part nécessaire. Ceci étant dit, il est vrai que certains sont contraints de fournir plus d’efforts que d’autres et que l’Etat peut se montrer ambivalent sur ce point. Notamment lorsqu’il adresse des injonctions contradictoires aux acteurs économiques, d’une part, ainsi qu’aux collectivités territoriales d’autre part. D’un côté, il revendique le dialogue participatif et de l’autre il incite à interdire l’accès des grandes métropoles aux véhicules vétustes, souvent ceux de nos concitoyens les plus modestes.

L’Etat doit donc se donner les moyens de ses ambitions, c’est vrai. Et les régions doivent prendre la mesure de ces objectifs ambitieux, certes, mais indispensables. Malheureusement, la politique de la chaise vide ne permet pas de rattraper le retard. D’autant que, rappelons-le, ces objectifs ne sont pas nés uniquement dans les cabinets ministériels : ils sont la transposition, le plus souvent, de textes européens au seins des États membres (et donc au sein des régions de ceux-ci ensuite). Des problèmes peuvent cependant apparaitre en cas de surtransposition.

Fabien Bouglé : Commençons par rappeler que Laurent Wauquiez n’est pas anti-écologique stricto-sensu. Son action relève bien davantage de l’alter-écologie, en cela qu’il prône une autre écologie. Nous devons faire attention à nuancer le qualificatif d’“écologiste” ainsi qu’il peut être utilisé par les tenants de l’écologie politique en France. Il n’est pas contre l’écologie à proprement parler, il est contre les mouvements politiques qui se prétendent écologiques mais qui ne font pas véritablement d’écologie. C’est précisément pour cela qu’il a arrêté de financer certaines associations qui revendiquent le qualificatif et qu’il a mis un terme à tout projet éolien. Laurent Wauquiez multiplie les mesures, au niveau du conseil régional, qui lui permettent des pratiques des politiques alternatives ; y compris sur les sujets qui sortent de ses prérogatives. Quand il exige un moratoire sur la question des éoliennes, c’est bien parce qu’il ne peut pas faire davantage, sinon arrêter de financer ces projets. C’est là la seule marge de manœuvre du conseil régional.

Il est vrai, également, que Laurent Wauquiez s’oppose à la présence d’environnementalistes au sein du comité régional de l’énergie. C’est un choix qui renvoie à des problèmes plus larges, touchant à la gouvernance dans les domaines écologiques et énergétiques. En l’état actuel, le pouvoir est très vertical et impose ses décisions quand il ne crée pas des dizaines de comités Théodule dans l’ensemble des strates de l’administration. Se faisant, il oblige certaines communes à ériger des zones d’accélération des énergies renouvelables qui constituent un système sans alternative. En somme, la région devient le rouage de transmission des ordres données par le pouvoir, l’outil de légitimation de ce dernier. Je crois donc que Laurent Wauquiez a raison de résister… particulièrement au regard du bilan de ces dits comités qui reste discutable quand il peut être établi. Ce n’est pas encore le cas pour les zones de développement et d’accélération des renouvelables dont les modalités doivent encore être fixées. On navigue encore à vue sur ces sujets.

Quid de la question du droit ? Peut-on légitimement approuver la promesse de ne pas se plier à ce que fixe la loi sur les politiques environnementales qu'il convient théoriquement d'appliquer ?

Carl Enckell : En matière de droit pur, l’État de droit ne peut pas approuver la promesse de ne pas se plier à la loi, non. Mais il est important de rappeler, dans ce cas, que le droit n’est pas une science exacte. Le droit constitue avant tout un moyen d’action, un véhicule juridique, particulièrement s’agissant des lois dites de buts, telles que celles fixant des objectifs. La posture de Laurent Wauquiez est donc fondamentalement politique, face à des outils juridiques. Pour bien répondre à cette question, c’est un point essentiel à comprendre.

Rappelons-le d’ailleurs que cette même posture a aussi été celle de l’exécutif par le passé, quand celui-ci a pu déclarer qu’avant de penser à la fin du monde, il fallait se concentrer sur la fin du mois. Quelque part, la décision Laurent de Wauquiez constitue un sur-enchérissement de cette même logique.

Que sait-on, par ailleurs, du degré d’entrisme des militants écologistes décroissants, anticapitalistes, anti-nucléaires dans l’appareil d’Etat ?

Carl Enckell : L’Etat, depuis le processus Grenelle de l’environnement, revendique la collégialité dans le cadre de l’adoption de ses décisions en matière de transition énergétique et écologique. C’est un pilier de la convention d’Aarhus. Concrètement, cela veut dire qu’il consulte l’ensemble des acteurs concernés. Tels que la société civile, via les acteurs économiques ou les ONG, qui contribuent de ce fait à l’édification du droit de l’environnement. Certaines ONG le font parfois de façon violente ou contre-productive. Il revient ensuite à l’Etat d’arbitrer entre les différentes positions et ne pas en retenir tous les arguments. La radicalisation de certaines ONG peut crisper les positions de chacun, c’est aussi un point à noter. C’est le même processus qui se joue aux échelons territoriaux avec les régions.

Fabien Bouglé : C’est une question que j’ai eu l’occasion de traiter abondamment dans mes deux derniers ouvrages (Nucléaire, les vérités cachées et Guerre de l’énergie, aux éditions du Rocher). C’est l’un des grands drames politiques qui se jouent aujourd’hui en France. Cela fait 20 ans, et en particulier depuis la gauche plurielle de Lionel Jospin, que nous faisons face à l’installation d’une véritable cinquième colonne au coeur de l’appareil d’Etat, qui s’est infiltrée dans la filière nucléaire, dans les administrations, qui a pignon sur rue dès lors qu’il est question de financements. On pourrait ainsi parler de l’OFATE, l’Office franco-allemand pour la transition énergétique, qui n’est rien de moins qu’un lobby de l’éolien et qui a ses locaux à la direction générale de l’énergie et du climat au sein du ministère de l'Écologie en France. Au sein même du ministère des commissions visant à discuter de la sécurité du nucléaire comportent donc des anti-nucléaires décroissants comme cela peut être le cas de France Nature Environnement (contre qui Laurent Wauquiez lutte avec insistance, d’ailleurs), Greenpeace ou WWF. Il faut aussi parler de l’ADEME (ancienne agence de maîtrise de l’énergie), dont le budget est de 4 milliards d’euros par an et qui sert de repaire à tous les décroissants, tenants de la sobriété énergétique et autres antinucléaires. Il s’agit d’un établissement public, rappelons-le !

D’une façon générale, l’Etat est aujourd’hui infiltré par tout un écosystème d’officines antinucléaires décroissantes. Certaines sont même payées par le gouvernement allemand, comme cela peut être le cas du Réseau Action Climat (RAC). C’est pour cela qu’il faut arrêter de financer ces organismes, qui vont à l’encontre de nos intérêts nationaux.

La politique environnementale française a-t-elle autant à voir avec l'environnement qu'elle n'a à voir avec l'idéologie ?

Fabien Bouglé : La politique environnementale française est énergétique. Elle est totalement axée sur l’idéologie. Plus précisément, elle est alignée sur l’idéologie de l’Energiewende allemand. Vingt ans durant, ces officines, ces associations écologiques et même les partis politiques écologistes se sont alignés idéologiquement sur l’idéologie allemande décroissante ; qui promeut la mise en place d’un modèle d’énergies renouvelables couplées au gaz notamment. Il s’agit d’un modèle qui prétend défendre l’environnement et la nature mais qui, dans les faits, contribue bien davantage à abîmer notre planète. Le bilan carbone du mix électrique allemand en est la preuve la plus évidente : l’Allemagne émet 8 fois plus de gaz à effet de serre que la France.

Nous pourrions aussi parler du bilan catastrophique de l’éolien en mer, mais aussi de la destruction des paysages, du cadre de vie… Mais pour bien comprendre ce dont il est ici question, il est important de bien réaliser qu’il y a aussi des intérêts financiers majeurs en jeu. C’est aussi un moteur important, en plus de la seule idéologie.

Quel risque cette situation (tant du côté de Laurent Wauquiez que du côté de la politique environnementale aujourd'hui appliquée) nous fait-elle courir ? Que dire des enjeux de protection de l'environnement au global ?

Fabien Bouglé : L’enjeu est fondamental, en effet. Sous couvert de protection de l’environnement et sous couvert des enjeux écologiques réels, une certaine idéologie s’assure de produire un ensemble de mesures pensées pour ralentir, gréver et mettre un caillou dans la chaussure de l’économie française. Bien souvent, tout ceci relève du prétexte : ce n’est pas une politique écologique qu’il s’agirait de mener, c’est une politique décroissante qu’ils appellent de leurs vœux en s’appuyant sur des prétextes fallacieux. Sous couvert d’écologie, la France est souvent la cible d’opérateurs de guerres économiques mondiaux.

Carl Enckell : Cette situation dit beaucoup de choses, c’est vrai. Elle montre que derrière les discours vertueux, parfois sincères ou au contraire bien-pensants, qui consistent à mettre en avant les enjeux environnementaux, il y a aussi des enjeux très forts, qui se se percutent. Or, les politiques publiques, le passé en a fait la preuve, peuvent aussi être abandonnées. La renonciation à la taxe poids lourds a pu en témoigner sous Ségolène Royal, face à la colère des Bonnets Rouges. Il est devenu possible, depuis lors, d’influencer un gouvernement en cas de réactions hostiles. C’est un cas qui a fait en quelque sorte jurisprudence. Depuis, les acteurs politiques savent qu’ils peuvent s’appuyer sur des contestations citoyennes (parfois légitimes, parfois corporatistes, parfois les deux) pour faire reculer les pouvoirs publics.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !