Faut-il partager à tous les données recueillies par les télescopes spatiaux Hubble ou James Webb pour faire progresser la science ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des images du télescope James Webb projetées à Times Square.
Des images du télescope James Webb projetées à Times Square.
©YUKI IWAMURA AFP

Emerveillement collectif

Alors que les scientifiques qui obtenaient du temps de télescope ont actuellement le droit de garder les données qu’ils récoltent pendant un an, afin de les étudier, le gouvernement américain voudrait désormais les mettre plus rapidement à disposition du monde entier.

Anna Alter

Anna Alter

Anna Alter est journaliste et écrivain. Docteur en astrophysique, elle a été journaliste à Science et Vie, à l'Evènement du jeudi, grand reporter à Marianne et rédactrice en chef adjointe de La Recherche. 

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Atlantico : À l'heure actuelle, si un astronome propose un endroit où diriger le télescope spatial James Webb et que sa proposition est acceptée, ce scientifique a généralement un an d'accès exclusif aux observations qui en résultent. Comment cela se passe-t-il ? 

Anna Alter : Les instruments qui scrutent l’univers du haut de l’orbite sans subir les perturbations atmosphériques sont très demandés et le partage du temps d’observation est un véritable casse-tête. Avant même que James-Webb ait été lancé le 25 décembre 2021, des programmes ont été sélectionnés en double aveugle, sur des critères scientifiques, et sur les milliers de dossiers déposés par les chercheurs du monde entier, moins de 300 ont été retenus pour la première année de fonctionnement. Lorsque l’appareil américain s’est retrouvé confortablement installé au point de Lagrange L2, à 150 000 kilomètres de la terre, ses premières images du cosmos étaient d’une beauté et d’une précision saisissantes, elles ont forcément fait des jaloux. D’habitude, les lauréats qui obtenaient du temps de télescope avaient le droit de garder les données qu’ils récoltaient pour eux pendant un an, rien que pour eux, de façon à avoir le temps de procéder à des analyses fines donnant lieu à des publications dans les meilleures revues internationales. Mais le gouvernement fédéral qui finance avec l’argent des contribuables l’engin volant aimerait accélérer le mouvement et en mettre plein la vue aux citoyens sur le champ pour qu’ils aient un rapide retour sur investissement et que d’autres scientifiques puissent sans tarder se mettre au travail….   

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Dans quelle mesure le fait de rendre les données de ce télescope publiques permet-il de réaliser des progrès scientifiques ?

L’exclusivité c’est bien, le partage c’est mieux. Plus il y a de chercheurs qui ont accès aux observations, plus on a de chance de faire des découvertes et, du même coup, de rentabiliser l’appareil, c’est du moins ce que pensent les gestionnaires. Les scientifiques sont moins convaincus, ils ne confondent pas vitesse et précipitation.

Actuellement, les gestionnaires du télescope se demandent si toutes les données recueillies doivent être accessibles à tous immédiatement. Comment expliquer cette volonté de changement ?

On vit dans l’urgence, tout le monde est pressé. 

Avant le problème ne se posait pas, avec les télescopes au sol, celui qui observait mettait ses enregistrements de côté, pour lui et son équipe. Avec l’avènement de l’ère spatiale, les engins sur orbite sont très coûteux et convoités. James Webb vaut les yeux de la tête, pour l’expédier là-haut il a fallu débourser au bas mot 10 milliards de dollars et même l’Europe a mis la main à la poche. Maintenant, l’engin envoie des images que tous les terriens veulent voir et avoir en retour. Et si les moissons du ciel sont bonnes, les astronomes du monde entier ont envie d’en profiter au plus vite.  

Quel pourrait être l’impact en cas de modification du mode de partage des observations du télescope ? Faut-il vraiment redouter une baisse des découvertes scientifiques ? 

Changer les habitudes est toujours un peu risqué. Avec le télescope de Hubble on a un peu de recul, on sait que réserver du temps pour les auteurs de projets, ça marche. Néanmoins en 2017, pour plus d’équité, les gestionnaires ont raccourci le temps d’exclusivité d’un an à six mois au risque de se mettre à dos les scientifiques. Mais si demain, tout le monde se met à publier à toute vitesse, en même temps, la qualité des travaux va s’en ressentir et chuter irrémédiablement…

In fine, quel serait le moyen le plus équitable de partager les vues cosmiques des télescopes James Webb et Hubble, qui fait face au même dilemme ?

Les avis sont partagés, même dans la communauté scientifique. Les uns voudraient tout, tout de suite et sont d’autant plus partageurs qu’ils n’ont pas obtenu de temps de télescope, les autres demandent l’exclusivité pour pouvoir travailler calmement dans leur coin sur leurs observations. Pour ménager la chèvre et le chou, on propose aujourd’hui le libre accès à toutes les données et mais aussi de réserver exceptionnellement des plages à la demande pour de courtes périodes, de façon que tout le monde soit content.

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