Des scientifiques japonais ont identifié une surprenante qualité que partagent les meilleurs footballeurs du monde. La voilà<!-- --> | Atlantico.fr
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Cristiano Ronaldo et Lionel Messi lors d'un match entre Barcelone et la Juventus au Camp Nou à Barcelone, le 8 décembre 2020.
Cristiano Ronaldo et Lionel Messi lors d'un match entre Barcelone et la Juventus au Camp Nou à Barcelone, le 8 décembre 2020.
©JOSEP LAGO / AFP

Grands champions

Certains joueurs de football sont devenus de véritables stars. Au point que les fans s'écharpent parfois pour savoir qui est le meilleur. Et s'ils avaient en réalité tous un point commun ?

Aurore Malet-Karas

Aurore Malet-Karas

Aurore Malet-Karas est docteure en neurosciences et sexologue. Passionnée par l'étude des mécanismes reliant à la fois le corps et l'esprit, elle a poursuivi un double cursus en biologie et en psychologie, qui ont abouti à des recherches en Neurosciences Cognitives sur les mécanismes de la mémoire, des émotions (et en particulier sexuelles), du plaisir et de la récompense (et par extension des addictions).

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Atlantico : Une étude de l’université d’Osaka a analysé des joueurs de football de différents niveaux et a révélé que les meilleurs joueurs étaient non seulement plus rapides à identifier les passes à faire, mais aussi à calculer les passes à éviter. En d'autres termes, les grands champions parviennent plus facilement à réfréner la tentation de faire une mauvaise passe. Comment est-ce possible ?

Aurore Malet Karas : On sait très bien depuis presque un siècle maintenant, que le système nerveux est plastique. Ça veut dire que quand il y a un apprentissage comportemental, cela va modifier les réactions des neurones. C'est exactement pareil que d'expliquer qu'un pianiste ou un musicien va avoir un meilleur contrôle de ses mains que quelqu'un qui ne le maîtrise pas d'un instrument. Ce phénomène s’explique par aussi bien par l’entrainement que par le talent. Il y a une sélection des meilleurs. Il y a toujours les deux en biologie. Il y a toujours et de l'inné et de l'acquis. C'est vrai dans les entraînements et dans les sélections de sport, mais aussi à l'école, ou on va sélectionner ceux qui apprennent le mieux, ceux qui apprennent le plus vite, ceux qui progressent le plus vite. Et l'entraînement, qui renforce en plus cette supériorité, explique pourquoi les différences peuvent être aussi grandes entre des sportifs professionnels et des sportifs amateurs.

Ces connaissances relatives à la plasticité cérébrale sont-elles nouvelles ? Comment expliquer que des indivudus parviennent à éliminer plus facilement les mauvaises options ?

Je n'ai pas vu quelque chose de vraiment nouveau. D'ailleurs, on s'aperçoit que ce phénomène, qu'on appelle le contrôle exécutif, n'est pas assez connu du grand public. Purtant, les régions liées aux prises de décision, dont on mesure l'activité dans cette étude, sont déjà bien connues des scientifiques. En sciences cognitives, on sait que prendre une décision, ce n'est pas aussi simple qu'on le pense. En fait, prendre une décision, c'est en même temps voir toutes les décisions qui sont possibles, choisir la bonne et inhiber les autres. En somme : choisir c'est renoncer. L'exemple que je prends toujours en cours : parfois, on pense qu’un enfant n’arrive pas à apprendre alors qu’il n’arrive pas à exclure les mauvaises décisions. Encore une fois, ces différences s'expiquent par des phénomène innées mais aussi un entraînement répété. 

Est-ce que le résultat de cette étude ne s’applique qu’au sport ? 

Cela met en évidence avant tout l'importance de l'entraînement, c'est évident. Le fait que l'entraînement améliore les performances est une notion ancienne. Rien de vraiment neuf à ce sujet. Deuxièmement, il est important de rester prudent face aux effets d'annonce. Tout comme il existe du greenwashing, il y a du neurowashing, avec des financements parfois douteux. On utilise les résultats des neurosciences pour créer de nouveaux programmes d'entraînement, alors que les méthodes existantes sont déjà efficaces. En France, par exemple, nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet, notamment dans l'enseignement thématique. Cela fait plusieurs années que les programmes scolaires sont adaptés aux capacités des enfants. Ainsi, les neurosciences ont déjà eu un impact significatif sur les méthodes éducatives. Peut-être que cet impact n'est pas encore suffisamment visible dans le domaine sportif. Parfois, le monde du sport semble concentré principalement sur l'amélioration des capacités physiques. Il est certainement vrai que des approches spécifiques existent. Ce que je sais, c'est que de nombreux sportifs utilisent désormais des techniques de visualisation, parfois même à travers des dispositifs de réalité virtuelle, pour s'entraîner. Ce genre de pratique existe depuis longtemps. C'est un peu comme M. Jourdain faisant de la prose sans le savoir. En fait, ils travaillent sur leurs capacités cognitives de prise de décision. C'est pourquoi je pense qu'il faut être vigilant, car beaucoup de choses ont déjà été essayées. Les neurosciences ne sont pas nécessaires pour comprendre que se mettre dans des conditions similaires, en se concentrant sur des aspects comme la visualisation et la cognition, peut aider les sportifs. Ainsi, dans certains sports collectifs, revoir des matchs et les analyser constitue un entraînement cognitif. En réalité, c'est quelque chose qui se fait déjà. Les neurosciences ne font que confirmer cela.

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