Après une semaine de tournée européenne, le message de Xi Jinping est clair : la France n’est plus un partenaire important de la Chine<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Chinois, Xi Jinping, et son homologue français - Photo AFP
Le président Chinois, Xi Jinping, et son homologue français - Photo AFP
©LUDOVIC MARIN / AFP

Dépassés

Xi Jinping, qui a été accueilli en grandes pompes en France entre les 5 et 7 mai, vient de clôturer sa tournée européenne. Voilà ce qu'il tenait à dire aux Français.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : Xi Jinping clôturait, ce vendredi 10 mai 2024 sa tournée européenne. Il a été accueilli en France entre les 5 et 7 mai, puis en Serbie et en Hongrie notamment. Quelles leçons peut-on tirer de cette visite sur le sol européen ?

Emmanuel Lincot : Cette visite confirme la division des Européens entre eux. Les Chinois ont humilié les Français en faisant du soixantième anniversaire un événement désormais marginal. Avant même de poser les pieds à Paris, Xi Jinping accordait un entretien au Figaro et disait que les Chinois prisaient les cosmétiques et l’agroalimentaire de notre pays. Autrement dit, vous Français n’êtes pas si importants. D’ailleurs je vous le montre en recevant quelques jours plus tôt Olaf Scholz à Pékin puis en me rendant en Serbie et en Hongrie. Il permet à Pékin d’acter le fait que nous entrons dans un autre cycle historique ; le précédent ayant beaucoup mis en valeur la relation franco-chinoise, comme le faisaient les prédécesseurs de Xi . Désormais, Pékin commémore avec ferveur le vingt-cinquième anniversaire du bombardement par l’Otan de l’ambassade de Chine à Belgrade (1999) et rappelle auprès de Viktor Orban que Pékin a établi des relations avec Budapest il y a soixante-quinze ans (contre soixante avec la France). Autrement dit, c’est avec une Europe orientale et pro-chinoise que Pékin entend désormais développer ses relations. Dont acte : à Bruxelles et à Paris de sanctionner à présent des pays qui ne nous respectent pas et qui favorisent un adversaire de poids.

Le président chinois, lors de sa visite en Hongrie et en Europe centrale, n’a pas manqué de vanter la “politique amicale” du Premier ministre Viktor Orban ainsi que la coopération chinoise avec la Hongrie. Une position qui tranche notamment avec les différends commerciaux qui peuvent être entretenus avec le reste de l’Union. A quel jeu joue Xi Jinping ?

Il sait que Bruxelles fait des choix incohérents (comme de financer la construction des usines qui fabriqueront des moteurs électriques chinois) et contraires à nos intérêts. Il enfonce donc le coin et investit en Hongrie. À l'international, il joue la carte de la Serbie et soutient la position de Belgrade sur la non-reconnaissance du Kosovo, moyennant un soutien de Belgrade sur les positions défendues par Pékin en mer de Chine. La Serbie cultive par ailleurs sa relation avec Moscou et conforte ainsi Pékin dans son choix de renforcer le duopole russo-chinois, en Europe même. Tout cela est connu de nos dirigeants et mériterait d’adopter un discours et des actes beaucoup plus fermes vis-à-vis de pays européens qui optent pour une politique très éloignée de celle mise en œuvre par Bruxelles à l’égard de la Chine.

Qui, in fine, aura eu le plus à gagner à cette visite ? 

Bruxelles n’en sort pas grandi et ce qui est sûr, c’est que la guerre économique va s’accentuer avec la Chine. Cet échec doit inciter les Européens à refonder le noyau dur des pays décideurs au sein de l’Union. L’Union Européenne est victime de la tyrannie des petits États dont les choix ne sont pas compatibles avec nos intérêts. Quant à nos relations avec la Chine, elles vont être mises à mal par l’offensive industrielle chinoise et une accentuation du conflit russo-ukrainien dont le prolongement n’est pas étranger à l’attitude de la Chine. 

Peut-on encore consolider durablement et profondément les relations sino-européennes, quand on sait les points désaccords conséquents qui peuvent exister au sujet de la question ukrainienne ou la volonté de l’Union d’instaurer des droits de douanes sur certains produits chinois ? Comment procéder ?

Les Chinois sont brutaux. Notre servitude volontaire à leurs yeux est synonyme de faiblesse. Nous devons être durs et prendre toutes sortes de mesures de rétorsion qui leur soient défavorables. Notre survie en dépend. Nous devons développer par ailleurs une diplomatie de guérilla, expression que j’ai déjà utilisée dans vos colonnes, pour concurrencer la Chine là où elle ne s’y attend pas : Asie centrale et autres régions périphériques de la Chine. Mais nous devons avoir de l’audace et du répondant en nommant des personnes aguerries et pugnaces aux postes de commandement, ce qui n’est pas toujours le cas.

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